La photo en pose longue nécessite des connaissances en matière de matériel photo et de technique mais aussi en matière de traitement logiciel. Après un premier dossier sur le sujet, Patrick Dagonnot, notre rédacteur spécialiste de la technique pose longue nous propose une deuxième partie dédiée au traitement logiciel des images.
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par Patrick Dagonnot pour Nikon Passion
Introduction
Dans la 1re partie de ce dossier consacré à la pose longue en photo numérique, nous avons vu tout ce qui concernait la prise de vue. Nous allons à présent attaquer la question du traitement de la photo. Il n’est pas question ici de donner une formule toute faite qui vous permettrait ensuite d’appuyer sur un bouton et d’obtenir le rendu adéquat sur toutes vos photos. Cet article vous apportera quelques pistes afin que vous puissiez vous-même définir votre propre manière de traiter vos clichés.
Pour vous donner une idée du type de travail réalisable sur un cliché en pose longue, j’ai choisi une photo prise en été du côté de la plage de Fabrégas, un rocher en pleine mer surnommé «les deux frères».Voici le fichier d’origine, brut de capteur, sans aucun traitement.
Je vais donc partir de cette base et détailler l’ensemble des traitements que j’applique pour arriver à la photo telle que je l’ai imaginée lorsque j’ai effectué la prise de vue.
1- Développement du RAW
Pour développer le fichier RAW, nous allons utiliser le logiciel Lightroom et afin de faciliter la compréhension du processus, j’ai découpé mon explication en différentes étapes en entourant à chaque fois de rouge les réglages concernés sur la copie d’écran.
Etape 1
- je transforme mon fichier en niveaux de gris (Panneaux «réglages de base»). J’obtiens un cliché en noir et blanc plutôt plat,
- j’ajuste mon contraste que je monte au maxi,
- en jouant sur la courbe, j’augmente la valeur des teintes sombres. Le cliché a déjà gagné un peu en contraste général.
Etape 2
Malgré tout les hautes lumières sont quasi inexistantes.
- je retourne dans le panneau «réglages de base» afin de monter la valeur d’exposition en m’attachant essentiellement au rendu des rochers au premier plan,
- j’ajuste ensuite les valeurs de température et de coloris afin d’augmenter le contraste sur les rochers,
- je diminue l’exposition afin d’éviter d’avoir des hautes lumières cramées. Nous arrivons donc à l’image ci-après, certes mieux éclairée mais où le haut du ciel est devenu tout blanc.
Etape 3
Je vais fermer l’image et récupérer du gris dans le ciel en créant un vignettage. À cette fin, j’utilise l’outil «filtre gradué». Je clique sur l’outil correspondant dans la barre de menu de Lightroom. Avec la souris, je place donc le filtre sur l’image en tirant la souris vers le bas, créant ainsi le filtre (trois traits parallèles avec un petit cercle au milieu). Je travaille sur les valeurs d’exposition, de contraste et de taille du filtre afin de diminuer les hautes lumières sur le haut de l’image.
Etape 4
Je vais renforcer l’effet en retournant dans le panneau principal et en allant travailler directement le vignettage de l’image. Je règle les valeurs de quantité et de milieu de l’outil «correction de l’objectif» afin de créer un vignettage un peu marqué qui me permet de fermer les angles dans le haut de l’image.
Etape 5
J’ajuste les valeurs de température, de coloris et d’exposition afin d’apporter un peu plus de finesse au vignettage. Voilà la première phase du traitement achevée.
J’ai obtenu un fichier correctement exposé. La courbe est relativement bien dessinée du sombre au clair sans noirs bouchés ou hautes lumières cramées et me donnera ainsi une bonne latitude de traitement pour le travail final.
2- Traitement final de l’image
Pour cette phase, nous utiliserons Photoshop et les masques de fusion. J’exporte donc ma photo telle que traitée au chapitre précédent pour l’ouvrir ensuite dans Photoshop.
Etape 6
En ce qui concerne l’export, il suffit de faire un clic droit sur l’image dans Lightroom et de choisir la fonction «exporter» dans le menu. Une fenêtre s’ouvre aussitôt, donnant pas mal de possibilités de réglages.
Détail de mes réglages pour l’export à partir de Lightroom : les 2 premières fenêtres concernent l’emplacement où vous souhaitez sauvegarder le fichier, ainsi que le nom que vous voulez lui donner.
Voici ensuite les réglages à mettre dans les 2 fenêtres suivantes :
Paramètres de fichier :
- format : PSD
- espace colorimétrique : Adobe RVB (1998)
- profondeur : 16 bits
Dimensionnement de l’image :
- décocher la case «redimensionner» si elle est cochée
- résolution : 300 pixels par pouce
Les autres fenêtres peuvent être laissées telles quelles. Je clique ensuite sur «exporter».
Etape 7
Je récupère mon PSD dans Photoshop.
Dans un premier temps, je renforce le contraste sur les rochers au premier plan. J’ouvre donc un calque de réglages «courbes» (petit cercle moitié noir, moitié blanc en bas de la palette calque). Je pose 2 points sur la courbe que je tire vers le haut afin d’éclaircir l’image de manière générale. Ensuite dans le masque de fusion appliqué au calque de réglages, je peins en noir la partie de l’image à laquelle je ne veux pas appliquer la modification (ici, le bas de l’image).
Etape 8
Les rochers au premier plan sont encore un peu sombres. Je vais créer un nouveau calque de réglages «courbes». Je règle la courbe en m’attachant au rendu sur les rochers. La luminosité générale de l’image devient bien entendu trop forte. Je peins donc en noir sur le masque toutes les parties de l’image non concernées par le réglage.
Etape 9
J’approche du but, mais en regardant l’histogramme de mon image je trouve que celle-ci manque de hautes lumières. J’utilise cette fois-ci un calque de «niveaux». Dans la fenêtre de réglages, je cale le petit triangle blanc à droite contre le point le plus bas de la courbe. En regardant l’histogramme, la courbe s’étale bien de gauche à droite. Sur le calque de «niveaux», j’ai peint le haut du masque afin de conserver intact le vignettage créé dans Lightroom.
Etape 10
Les deux rochers en pleine mer manquent de contraste. J’utilise un calque de réglages «courbes» sur les deux rochers au milieu de l’image. J’ai ajusté ma courbe en lui donnant une forme de «S», puis je peins en noir sur le masque toutes les parties autres que les 2 rochers.
Etape 11
Il ne reste plus qu’à apporter une légère accentuation à la netteté des rochers. Je duplique l’image (calque arrière-plan) et applique à cette copie un filtre «passe-haut» (menu filtre->divers->passe-haut) avec un rayon de 2.0. J’affecte à ce calque le mode de fusion «incrustation» et je diminue légèrement l’effet en baissant l’opacité à 80 %. Afin que l’accentuation ne touche que les rochers, je crée un masque de fusion (menu calque-> masque de fusion->tout faire apparaitre) et je peins en noir toutes les parties que je ne désire pas accentuer.
Enfin, l’image étant encore trop «grisouille» à mon gout, j’ai décidé de rajouter un dernier calque de «courbes» en baissant la luminosité générale de l’image et redonnant ainsi plus de «punch» aux valeurs sombres.
Et voilà mon image finale, avec à côté mon image d’origine !
Nikon D3s et la pose longue numérique
D3s et pose longue : couple gagnant ?
Habituellement, tous mes clichés en pose longue sont réalisés avec mon D80. Toutefois, ayant eu l’opportunité d’avoir en prêt durant 3 semaines le D3s (merci Nikon Passion et Nikon France), j’ai pu tester le boîtier pro Nikon dans diverses conditions et notamment en pose longue, comme pour le cliché qui a servi à illustrer cet article.
Etant donné les conditions optimales de prise de vue en pose longue (sensibilité au minimum, réglage optimum de l’ouverture et de la netteté, prise de vue sur trépied par télécommande), il semblait évident que le D3s allait me livrer des fichiers impeccables. Toutefois, j’ai été encore plus surpris que ce à quoi je m’attendais, notamment en ce qui concerne la gestion des hautes et des basses lumières et sur ce terrain, le D3s s’avère redoutable.
En effet, en pose longue, on est souvent dans l’obscurité ou tout du moins dans le clair-obscur. Etant donné qu’on travaille aux valeurs ISO les plus basses et à des temps d’exposition longs, ça ne pose pas réellement de problèmes concernant la qualité générale de l’image. Mais là où le D3s apporte un réel plus, c’est dans le rendu des détails dans les zones sombres. Ci-après un détail d’une image faite également à la plage de Fabrégas. On peut se rendre compte ici à quel point le rendu sur les détails du bateau au premier plan pourtant plongé dans la pénombre, est parfait.
L’autre point particulièrement appréciable du D3s est sa capacité à gérer les très hautes lumières. On sait qu’un point difficile en photographie de paysage concerne les écarts de lumière entre le ciel et le sol. Bien souvent, le photographe est obligé d’opérer un choix entre un ciel très lumineux et un sol sombre, notamment par temps couvert. Bien exposer le sol, on crame le ciel, bien exposer le ciel, on plonge le sol dans le noir complet. C’est là où la capacité du capteur du D3s à gérer les grands écarts de lumière apporte un réel avantage. Ci-après un cliché réalisé sur la route des crêtes entre Cassis et La Ciotat. Sur le raw d’origine, le sol est bien exposé mais on voit bien, et la courbe le montre également, que le ciel, sur le côté gauche de l’image est cramé.
Après un traitement dans Lightroom, j’ai parfaitement récupéré la zone gauche de l’image et la courbe montre bien que les hautes lumières ne sont plus cramées.
Alors, le D3s, un boitier pour le paysage et la pose longue ? Il faut avouer que l’appareil ne manque pas d’atout et les deux derniers points cités jouent plutôt en sa faveur. À l’heure où l’annonce de la sortie d’un Nikon D4 est de plus en plus imminente et en tous les cas très attendue, le D3s pourrait devenir pour nombre de photographes experts et d’amateurs passionnés un parti très intéressant. Enfin abordable en l’occasion, son prix va le rendre bien plus accessible à toute une population qui jusqu’à présent ne pouvait que rêver de posséder un tel matériel.
Au delà du fait que ses qualités le rendent apte à la photo de paysage, c’est surtout son extrême polyvalence qui séduira un plus large public. Portrait, paysage, sport, noir et blanc, photo de nuit, il est difficile de trouver un domaine où il puisse être pris en défaut. Tout juste pourrait-on lui reprocher sa résolution un peu juste, et encore : seulement 12 mégapixels certes, mais une telle qualité d’image autorise des agrandissements jusqu’à 200 % sans perte, alors… Non, le seul vrai reproche qui pourrait lui être fait, c’est son manque de discrétion. Quand vous avez un D3s en main, on vous regarde… J’en ai fait plusieurs fois l’expérience, et force est de constater que l’engin impose le respect et provoque la curiosité. Du coup, pour la Street Photography, son «embonpoint» n’en fait pas le favori, mais pour peu qu’on réussisse à se rendre discret, la qualité de l’image sera au rendez-vous.
Vous en rêvez ? Alors bonnes photos et que le D3s soit avec vous !
Retrouvez les photos de Patrick Dagonnot sur le site Chambre Noire.
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super article,Merci et encore merci!!!
Salut Patrick,
Je suis de Toulon. Si tu es dans le coin et que faire un test avec des filtres GND de la marque LEE t’intéresse toujours, je pourrais peut-être t’en prêter deux… Ils sont en effet très onéreux!
Bref tu peux me contacter si tu le souhaites.
A bientôt
Karl
merci pour tous ces conseils, c’est passionnant 🙂
Mieux vaut utiliser un filtre GND pour « récupérer le ciel » l’image finale ressemble plus à un pseudo HDR qu’autre chose.
Plusieurs remarques à votre commentaire, certes pas inintéressant.
Premièrement, ici, avec déjà 2 filtres ND montés sur l’appareil, en monter un troisième, c’est un vignettage trop marqué assuré et pénible à récupérer.
Deuxièmement, j’ai déjà testé les fitres dégradés, c’est super chiant. La plupart du temps, je réalise mes poses longues très tôt le matin, dans des conditions de très basses lumières, voire de fort vent et dans des conditions d’équilibre précaire. Si vous connaissez un peu la chienlit des filtres dégradés, vous imaginez leur utilisation dans ces conditions et encore plus avec des filtres ND quasiment noir… mission impossible.
Enfin, comme je le mentionne au début de l’article, je propose ici des pistes, pas une méthode absolue de traitement. On est en pleine subjectivité et chaque traitement d’une photo est avant tout affaire de jugement et de choix. Je pourrais pour cette même photo proposer au moins une dizaine de versions différentes et à peu près autant de méthodes par versions. Ici, le but est juste de présenter certains outils et la manière de les utiliser. Il y a peu d’intérêt ici à stigmatiser le traitement numérique par rapport à l’utilisation de certains filtres.
Salut Patrick,
pourquoi 2 filtres ND justement. Je préconise toujours une densité plus importante en un seul filtre pour 2 raisons :
1/ libérer un espace pour un GND
2/ éviter des contamination d’IR qui vont créer un virage magenta fort. (bon ok ici c’est du N&B on s’en fiche un peu)
? pas plus chiant que des filtres ND. il suffit de faire vois ajustements via le live view sans ND, comme ça pour pouvez regarder où la graduation commence. ensuite vous posez le ND.
Après je vous rejoins chacun sa méthode. D’autant plus et c’est surtout le cas ici, votre priorité n’était pas le ciel, mais les formes/et forces de l’image dans sa composition.
C’est juste mon avis 😉 un relou de puriste des filtres GND 😉
@ très bientot j’en suis sur.
Salut Masden,
Pourquoi 2 filtres ? UN ND 1000 et un ND 8 soit 8000 x le temps de pose. Je n’ai pas encore pu trouver dans le commerce de ND8000. Quant au prix du dit-filtre s’il existait, je n’ose même l’imaginer.Autre problème : pas de live view sur mon appareil. Et je persiste quant à la chienlit d’utiliser un filtre dégradé dans certaine conditions. D’autant qu’effectivement dans le viseur de l’appareil, il n’est pas évident de savoir si le dégradé est dans le bon sens ou pas. J’ai déjà testé plusieurs fois et je n’ai pas du tout été convaincu d’autant que je reste persuadé qu’un traitement numérique parvient au même résultat sans aller jusqu’à un traitement HDR (que je n’aime pas plus que vous), mais juste par un ajustement de l’exposition, des contrastes et la gestion des hautes et des basses lumières, ou tons clairs/tons foncés comme vous le préconisez sur votre site.
Effectivement les dérives de couleurs des filtres ND ne me dérangent puisqu’à 95%, je travaille en noir et blanc et même en couleur en RAW, les dérives peuvent être récupérables.
D’autre part, comme vous le soulignez ici, le ciel sur cette photo ne comportait aucun nuage et de fait n’avait pas un intérêt particulier. J’utilise juste ici le vignettage pour récupérer un peu de matière dans le ciel et fermer l’image.
Ceci étant, je comprends le point de vue que vous défendez sur votre site concernant l’utilisation des filtres dégradés. C’est juste qu’à mon sens et d’après mon expérience, leur utilisation ne me semble pas indispensable et en tous les cas, certaines conditions ne rendent pas leur utilisation très pratiques. Ce sont des filtres qui pour moi restent quand même plus associés à une pratique de la photo argentique.
La aussi, ce n’est encore que mon avis, mais c’est intéressant de confronter des points de vue techniques différents.
A très bientôt…
Une question. as tu vraiment besoin d’un ND8000 ? car 10 stops (ND 1000) suffit largement à faire des temps de poses très long peut importe les conditions.
De plus, un ND1000 + un ND8 ça fait 13 stops. Donc équivalent à un ND 6666 ou ND 3.82 😉
Avec une vitesse de vent moyenne on arrive aux résultats plus hauts (peu ou prou). Mais bon si tu souhaites vraiment avec 13 stops de temps de pose le cumul est obligatoire. mais cela concerne peu d’utilisation, un 10 stops faisant très bien l’affaire.
Pour les GND, je reste un fervent défenseur car les seuls capable de retenir autant de détails en une prise de vue. Cela laisse encore plus de flexibilité en post prod. Tous les professionnels du paysages sont d’accords, presque tous 😉
Je vous ferai lire mon ebook de 120 pages dédiés aux filtres GND/ND si vous le voulez bien.
Avec grand plaisir pour ce qui est de l’ebook, nous sommes joignables via le formulaire de contact en haut
Merci de ton avis. Je referais des tests avec des filtres dégradés, mais pas en filtres vissants, plutôt en porte-filtre alors.
Par contre je ne suis pas de ton avis sur le cumul des filtres. Certes l’image de cet exemple n’est pas la plus parlante à ce niveau-là étant donné le peu de nuages dans le ciel. Mais mon expérience de la pose longue m’a tout de même clairement montré que dans certaines situations en plein jour, j’avais besoin des deux filtres pour obtenir le rendu que je cherchais sur les nuages, notamment en cas de vent assez faible et de luminosité assez forte.
Pas d’accord non plus sur l’approximation du calcul concernant les filtres ND… D’après tous les renseignements que j’ai pu avoir sur la dénomination des filtres à densité neutre, NDx1000 et NDx8 ca fait NDx8000 et c’est à peu près EQUIVALENT à 13 stops et pas l’inverse… 😉
Merci à toi.
Alors effectivement, après une petite recherche, la gamme des filtres Lee a l’air très intéressante et pour le coup bien plus pratique à utiliser. Par contre, le prix… comme tu dis sur ton site, la photo est aussi une histoire d’argent…