Rollei propose un petit téléobjectif 8x pour équiper l’iPhone. Nous avons présenté ce téléobjectif récemment (voir Téléobjectif Rollei pour iPhone) et n’avons pu résister au plaisir de le soumettre à un test terrain pour savoir ce que l’on peut réellement obtenir. C’est Bernard Jolivalt, photographe, journaliste, auteur et grand habitué de la photo sur le vif, qui s’est prêté au jeu. Nous lui laissons la parole.
par Bernard Jolivalt pour Nikon Passion
Pour avoir crapahuté en Afrique et en Asie avec un Rollei 35 dans les années 1970 – un véritable compact argentique que j’avais en permanence sur moi –, je garde une certaine affection pour cette marque qui est entrée dans la légende avec le Rolleiflex.
Mais aujourd’hui, c’est avec l’intriguant « Télé 8x pour iPhone 4 » que je renoue avec la marque. Intriguant parce qu’un téléobjectif qui grossit de 8x, il fallait oser, surtout quand on sait combien il est difficile de stabiliser l’iPhone parce qu’il n’a pas été conçu pour être tenu de la même manière qu’un appareil photo.
photo 1 : L’iPhone et son objectif montés sur le mini-trépied
Rollei n’a pas chipoté sur les petits accessoires : en plus de l’objectif, la boîte contient un trépied de table, une pince pour maintenir l’iPhone 4 fixé sur le trépied, un petit sac de transport en tissu, une petite lingette pour l’entretien des lentilles et surtout, une coque pour l’iPhone qui sert à maintenir le téléobjectif exactement dans l’axe de l’objectif. Il est livré avec des bouchons avant et arrière. La coque est estampillée Rollei ; du coup, l’iPhone fait un peu moins téléphone et un peu plus appareil photo.
Le téléobjectif Rollei iPhone
Le téléobjectif est en plastique. Ce n’est pas un matériau noble, mais au prix où l’ensemble est vendu (45 euros environ selon les vendeurs avec le trépied, la pince et tout le reste), il ne fallait pas s’attendre à une construction « tout métal » à l’ancienne. Le choix du plastique apporte un autre avantage : la légèreté. Avec ses 45 grammes, le téléobjectif ne déséquilibre pas l’iPhone (qui pèse une centaine de grammes environ). La bague de mise au point est « à l’ancienne », en caoutchouc bosselé, et le réglage est ferme. Une petite fenêtre indique la plage de mise au point : 3, 10, 30, 40 m et l’infini, mais le repère est assez peu visible.
La formule optique est originale : des lentilles à chaque extrémité et, au milieu, un petit prisme de Porro en verre semblable à celui que l’on trouve dans les jumelles ; il sert à redresser l’image qui, sans ce prisme, apparaîtrait à l’envers sur l’écran de l’iPhone. Pourquoi ne pas avoir tout simplement basculé l’écran de manière logicielle ? Parce que l’utilisateur aurait été obligé télécharger une application spécifique et que Rollei n’y tenait sans doute pas.
photo 2 : Le prisme de Porro sert à inverser l’image
Le téléobjectif vissé sur la coque, il apparaît qu’il ne s’enfonce pas entièrement dans le logement, comme si la vis de fixation était trop longue de 2 millimètres, ce qui n’est pas rien pour un aussi petit objet. De même, la bague de mise au point tourne loin, très loin au-delà de l’infini, à plus de 1/2 tour au lieu de 45 degrés. Or c’est uniquement dans cette position extrême que l’iPhone parvient à effectuer la mise au point à l’infini. En plaçant le repère à 3 m, qui est censé être la distance de mise au point minimale, c’est à 0,80 cm environ que se trouve le point.
Rollei annonce un grossissement de 8x. Sachant que la focale de l’iPhone est un équivalent 29 mm, avec le téléobjectif Rollei, nous devrions obtenir un équivalent 232 mm. Enfin, ça, c’est de la théorie. Rollei annonce un angle de vue de 16° ; pour un objectif 24×36, cela correspond à un objectif de 145 mm environ. Le chiffre colle à peu près avec la focale indiquée par Rollei, soit 18 mm. Le coefficient de capteur de 7,64 de l’iPhone donne une équivalence de 138 mm. On ne chipotera donc pas sur les millimètres d’écart.
La perte de luminosité provoquée par l’ajout du complément optique est négligeable car son ouverture n’est que de f/1.1.
Sur le terrain
C’est évidemment sur le terrain que l’on attend le téléobjectif Rollei. Etant donné la difficulté à stabiliser l’iPhone en temps normal, sans accessoire, Rollei a eu l’excellente idée de le livrer avec un trépied de table en aluminium et une pince astucieusement conçue. Comme elle est dotée d’un pas de vis standard, on peut la fixer sur d’autres types de supports (ventouse, pinces, gorillapod…) En calant bien l’iPhone contre la paume de la main, et si la main et sûre, et si la luminosité permet de travailler à une vitesse d’obturation élevée, la photographie à main levée est possible. C’est que j’ai fait lors d’un petit reportage assez amusant réalisé à Belleville et Ménilmontant, visible sur mon blog consacré à la photo de rue. Sur les dix photos de ce sujet, huit ont été prises avec le téléobjectif Rollei.
Mais auparavant, je me suis livré à quelques essais conventionnels, à savoir la photographie d’une grue. Pourquoi une grue ? Parce que ses entretoises et sa cabine sont un bon test pour évaluer le piqué (les bancs, chartes, mires et autres appareillages de mesure m’ont toujours mortellement ennuyé). La photo 3 montre la grue dans son environnement, photographiée avec l’iPhone « nu », sans zoom numérique ni le téléobjectif Rollei.
photo 3 : La photo d’origine (équivalent 29 mm)
lien vers le fichier d’origine en pleine définition
La photo 4 montre à gauche la grue prise avec le zoom numérique de l’iPhone calé au maximum. Son grossissement est de 5x (équivalent 145 mm). Le piqué est exécrable car ce grossissement est obtenu par un recadrage de l’image à même le capteur, suivi de son agrandissement pour la mettre aux bonnes dimensions. Quel que soit l’appareil photo utilisé, je désactive systématiquement le zoom numérique car c’est une horreur. Celui de l’iPhone ne fait pas exception à la règle.
photo 4 : L’intégralité de la photo prise avec le zoom numérique
lien vers le fichier d’origine en pleine définition
Flou artistique…
La photo 5 montre la différence entre une photo prise avec le zoom numérique et avec le téléobjectif Rollei 8x. Le piqué et le rendu sont nettement en faveur du téléobjectif Rollei mais… Car il y a un mais.
photo 5 : Un détail de la photo prise avec le zoom numérique (à gauche) et avec le téléobjectif Rollei (à droite)
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Dès que l’on s’éloigne du milieu de l’image, comme le révèle la photo 6, la netteté disparaît rapidement, remplacée par un flou important. De plus, un vignettage provoqué par le fût de l’objectif qui empiète dans le champ est nettement visible. C’est un résultat directe de l’obligation de mettre au point très loin au delà de l’infini. Au fur et à mesure que l’on tourne la bague de mise au point, le bloc optique s’enfonce de plus en plus profondément dans le tube.
Ces deux défauts, incompréhensibles sur un matériel estampillé Rollei, compromettent tout usage un tant soit peu exigeant de cet accessoire.
photo 6 : L’intégralité de la photo prise avec le téléobjectif Rollei 8x
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Ma spécialité étant la photo de rue, j’ai essayé de voir ce que l’on pouvait attendre du téléobjectif Rollei en parcourant le quartier de Ménilmontant. Soit dit en passant, cette partie de Paris est un terrain de chasse photographique absolument fabuleux, d’une richesse insoupçonnée. Le reportage publié sur mon blog a été réalisé en un seul passage en fin d’après-midi, en quelques dizaines de minutes.
L’endroit est foisonnant de vie et d’opportunités photographiques. Mais à cause de la protubérance formée par le téléobjectif, je n’étais pas passé inaperçu comme avec un iPhone « tout nu » qui donne l’impression de téléphoner et non d’être à l’affût. Là bien au contraire, je donnais véritablement l’impression de prendre des photos.
La photo 7 est celle d’un personnage qui téléphonait assis par terre en gesticulant. Le visage est net, de même que sa main tendue, mais c’est tout. Son genou est flou, comme l’ensemble du pourtour de la photo. Avec quelque indulgence, on pourrait trouver un charme « lomographique » à cette ambiance enveloppée. Certes, mais cette photo appelle deux remarques : la première est que si j’ai envie de simuler le rendu approximatif d’un Lomo ou d’un Holga, je préfère partir d’un original correct et appliquer moi-même ces effets. La seconde remarque est plus frustrante : le personnage principal téléphone – ce n’est pas évident, je vous l’accorde, sur d’autres photos prises en contre-champ cela se voit mieux – , mais à gauche, un autre personnage en fait autant. Mettre sa présence en valeur aurait pu ajouter quelque chose à l’image. Encore eut-il fallu que la netteté soit acceptable sur l’ensemble de la photo. La profondeur de champ réduite d’un téléobjectif aurait rendu le personnage de gauche un peu flou, mais pas aussi exagérément que le téléobjectif Rollei.
photo 7 : Le visage et la main sont nets, car centrés. Le reste de l’image est flou
lien vers la photo d’origine en pleine définition
Pour des photos où de la netteté est requise, comme une rue ou un immeuble, le téléobjectif Rollei échoue complètement. La photo d’un immeuble net au milieu et flou de tous côtés est évidemment inexploitable. Il en va de même pour des affiches, une thématique très prisée des photographes de rue. Le flou périphérique est alors redoutable car dans ce genre de photographie, la lisibilité du texte et la précision du graphisme sont primordiaux. La photo 8, dans laquelle aucun des éléments primordiaux de la photo n’est net, illustre ce problème de flou circulaire. Un autre défaut est visible sur des photos présentant des lignes droites : une déformation semblable à celle engendrée par un polissage approximatif des lentilles.
photo 8 : Le bas de l’échelle, le poteau, l’avant-bras du personnage et le premier étage sont flous,
les moulures ne sont plus rectilignes et un fort vignettage apparaît sur trois des quatre coins
lien vers la photo d’origine en pleine définition
Ce téléobjectif a suscité un gros bruit médiatique – un « buzz », dirait Maya l’abeille – sur le Web. Il peut permettre quelques photos amusantes ou surprenantes, mais avec presque inévitablement la frustration provoquée par le flou intempestif et les déformations. Pour le prix – quelque dizaines d’euros avec en prime le trépied, la pince et autres accessoires -, on ne saurait attendre d’un complément optique aussi modeste les performances d’un objectif professionnel, mais le minimum aurait quand même été d’obtenir un piqué à peu près homogène sur l’ensemble de l’image et des droites rectilignes.
On ne peut s'empêcher, au vu de ces résultats décevants, de penser à un matériel défectueux. Un premier exemplaire, qui présentait en plus des franges bleues phénoménales, a été remplacé par un second exemplaire sans les franges, mais toujours flou en périphérie. Sur d’autres sites Web montrant des photos de test, en France et ailleurs, le problème est le même. Le décalage de la mise au point laisse à penser qu’une erreur de fabrication a été commise. Sur un exemplaire, nous avons réduit la longueur de la vis de fixation – Nikon Passion ne recule devant rien – mais le gain au niveau de la rotation est minime. Même lorsque l’objectif est bien calé contre la coque de l’iPhone, il faut dépasser notablement la mise au point à l’infini pour effectuer la mise au point au loin. Tout au plus évite-t-on le vignettage, c’est déjà ça… Mais cela ne règle en rien le problème du flou périphérique et les déformations, qui dépendent sans doute d’une malfaçon des lentilles. Un comble quand on sait que Rollei avait tenu à utiliser du verre pour les lentilles et le prisme de Porro afin de garantir la qualité optique de son objectif.
Il paraît impensable que personne chez Rollei ne se soit rendu compte de tous ces défauts, que personne à l’usine n’ait songé à vérifier le produit en le montant sur un iPhone et en prenant quelques photos. A moins que, ce qui serait pire, personne n’ait voulu assumer les erreurs, décidant de commercialiser le produit « en l’état ».
Bernard J.
Le téléobjectif 8x Rollei pour iPhone est en vente chez Amazon (tarif fluctuant). Il est aussi disponible chez Miss Numerique pour un tarif plus intéressant (29.90 euros au jour de l’article).
Découvrez également le livre de Bernard Jolivalt « La photo sur le vif » chez le même vendeur.
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Merci pour ce test qui m’a évité d’acheter un accessoire inutile. Pour l’instant je reste au 180mm Nikon sur D7000, attendons encore un peu avant d’avoir l’appareil universel sur Iphone
@Dsc2600
Ce test tres complet m a bien éclairé sur le produit, je suis ravi… Et oui j aime la photo, et j utilise mon iPhone pour cela…
@Dsc26000 J’ai aussi fait un test de ce téléobjectif ici http://bit.ly/jl1Aj2 et tu serais étonné de savoir le nombre de visiteurs, ce qui prouve bien qu’il y a un marché et vu la popularité de l’iPhone 4 Nikon Passion se devait de faire un test, ne serait-ce que pour informer les clients potentiels qui font une recherche sur Google, alors évidemment au vu de la médiocre qualité ce télé n’intéresseras pas les personnes sur le forum, mais d’autres ne seront pas dérangés et il faut bien qu’ils comprennent les limites du produis pour ne pas être déçus de leur achat.
acheter un compact 8x sa marche mieux
je comprend vraiment pas ce que cela vient faire sur ce site !!! de plus ce n’est plus si compact que ça
Nous traitons de toute la photo, et la photophonie en fait partie, ce test a donc toute sa place ici. Nous n’avons pas à privilégier une pratique plutôt qu’une autre, d’autant plus que l’iPhone est désormais très employé et peut faire de belles images