Le focus breathing est un problème qui fait beaucoup parler de lui depuis quelque temps. Pourtant ce phénomène bien connu ne date pas d’hier, et touche autant les zooms que les objectifs à focales fixes. Sur le terrain, le focus breathing pourra n’avoir aucune incidence ou au contraire représenter un obstacle très difficilement surmontable. Tout dépend de votre pratique photographique et de l’utilisation envisagée. Explications …
Qu’est-ce que le Focus Breathing
Le focus breathing est un terme qui désigne un changement d’angle de vue plus ou moins important à la suite du réglage de la distance de mise au point. Le phénomène doit sa célébrité au fait qu’il est particulièrement visible sur certains zooms à mise au point interne calés à la distance minimale de mise au point : il n’est pas rare qu’un 70-200 mm ou un 18-200 mm calés à la focale maximale et atteints de focus breathing ne cadrent plus que comme un 135 mm dans ces conditions !
Concrètement, quand vous manipulez la bague de mise au point dans un sens ou dans l’autre, le cadrage est légèrement modifié, comme s’il s’agissait d’une sorte de « respiration » de l’objectif ou de la mise au point, d’où le terme « focus breathing ». Ce phénomène a toujours existé sur les zooms comme les focales fixes.
Autrefois relativement limité, le problème s’est généralisé avec les productions modernes. Rappelons au passage que les focales des objectifs ne sont données par les constructeurs que pour une mise au point à l’infini… mais que le rapport de reproduction indiqué l’est toujours à la distance minimale de mise au point. Il n’y a donc pas tromperie.
Exemples visuels
Les 3 images ci-dessous ont été réalisées avec un Tamron 70-200 mm f/2,8 G2, une bague allonge de 36 mm, un 135 mm f/2,8 modifié Ai et un boîtier doté d’un capteur 24×36. Ce 70-200 mm f/2,8 G2 est connu pour son focus breathing important, à l’instar du Nikon 70-200 mm f/2,8 AFS VR II. On notera que Nikon s’est efforcé de corriger le tir sur la version VRIII !
A très courte distance, on constate sur la première image que l’angle de champ du 70-200 ne correspond pas vraiment à ce que l’on attend d’un objectif qui revendique 200 mm de focale…
Photo prise au 70-200 mm f/2,8 à 200 mm à très courte distance
Cela devient particulièrement évident quand on compare avec la seconde image, prise à la même distance mais avec un objectif de 135 mm de focale.
Photo prise au 135 mm f/2,8 à la même distance que la vue précédente
La troisième image, prise avec le 70-200 mm et la mise au point bloquée à l’infini et équipé d’une bague allonge de 36 mm remet les pendules à l’heure : on a bien à faire à un 200 mm, même si la qualité d’image est quelque peu dégradée.
Photo prise au 70-200 mm f/2,8 à 200 mm à très courte distance
distance de mise au point réglée à l’infini, utilisation d’une bague allonge de 36 mm
Les deux images suivantes ont été prises à 24 mm et à très courte distance, l’une au 24 mm f/2,8 AF et l’autre au 24-70 mm f/2,8 AFS, toujours sur un boîtier doté d’un capteur 24×36. On constate que la focale fixe cadre plus large que le zoom alors que celui-ci est bien à la focale minimale et que la distance au sujet est identique.
Photo prise au 24 mm f/2,8 AF à très courte distance
Photo prise au 24-70 mm f/2,8 AFS en position 24 mm et à très courte distance
Pourquoi le Focus Breathing se produit
Il y a quelques années, la plupart des objectifs s’allongeaient quand on actionnait la bague de mise au point. On se retrouvait alors avec des objectifs dont le gabarit variait beaucoup pendant leur utilisation, ce qui les rendait peu pratiques à manipuler sur le terrain.
Un autre problème s’est également vite manifesté : la lenteur de l’autofocus, provoquée le plus souvent par une masse de lentilles très importante à déplacer, et qui mettait les moteurs AF à la peine. Cela s’expliquait par le fait que les premières générations d’objectifs autofocus avaient le plus souvent conservé les formules optiques existantes, ce qui impliquait de devoir déplacer l’ensemble du bloc optique pour assurer la mise au point.
La réponse des ingénieurs à ces problèmes a été la généralisation de la mise au point interne sur quasiment tous les objectifs. De cette façon, finis les objectifs qui s’allongent lors de la mise au point. Désormais, seule une petite partie des lentilles était en mouvement pour assurer la mise au point. Cette réduction des lentilles en mouvement et donc du poids à déplacer a donné des ailes à l’autofocus qui pouvait enfin devenir rapide et plus silencieux.
Mais la généralisation de la mise au point interne a pour conséquence la généralisation d’un nouveau problème : le focus breathing.
La mise au point interne est obtenue par le déplacement d’une partie du groupe optique, mais ce faisant, le point focal à l’intérieur de l’objectif se déplace légèrement, ce qui peut modifier la distance focale, et générer un effet de focus breathing. C’est pour cette raison que le focus breathing peut survenir à toutes les focales et pas seulement en bout de plage focale des zooms, et que les focales fixes à mise au point interne sont également concernées par le phénomène.
Les problèmes qu’il pose
Il existe deux champs d’application pour lesquels le focus breathing constitue un véritable handicap : le focus stacking, discipline dans laquelle on empile un maximum d’images au cadrage identique mais avec des décalages de mise au point d’une image à l’autre afin d’obtenir une netteté maximale sur l’ensemble de l’image par assemblage de toutes les vues. Si le cadrage n’est pas strictement identique à cause du focus breathing, l'empilage devient vite très compliqué à effectuer.
Un autre domaine très impacté par ce phénomène est la vidéo, discipline dans laquelle le changement de zone de mise au point sans changement de cadrage est monnaie courante. Une séquence touchée par du focus breathing peut être complètement ruinée car le phénomène est très facilement détectable quand il se produit.
Comment l’éviter
Même si les fabricants prennent de plus en plus en compte le phénomène de focus breathing, celui-ci reste présent sur la majorité des objectifs à mise au point interne. Pour la vidéo il n’existe malheureusement que deux solutions : soit passer par des objectifs optimisés pour la vidéo et spécialement conçus pour éliminer ou limiter ce phénomène, mais en acceptant d’en payer le prix plus élevé… soit utiliser un autre objectif moins touché par le focus breathing.
Pour la photo, le salut peut se trouver dans l’utilisation de bagues allonges. Cela permet de conserver une mise au point calée à l’infini, tout en photographiant un sujet à une distance très faible. Sur le papier cette solution fonctionne, puisque l’angle de champ n’est alors pas altéré par le focus breathing.
Mais attention, cette solution n’est en rien universelle : il faut voir au cas par cas, car la qualité d’image est souvent très dégradée avec certains objectifs et un peu moins avec d’autres… Quand on utilise un tel montage, l’objectif doit faire le point à une distance non prévue dans sa conception. En général les focales fixes supportent un peu mieux l’usage de bagues allonges que les zooms.
Faut-il se préoccuper du Focus Breathing ?
Le focus breathing n’est pas trop gênant en photo généraliste, car il se produit surtout à la distance de mise au point minimale, là où il se manifeste souvent de manière très importante. Quoiqu’il en soit il ne faut pas hésiter à vous renseigner sur une optique avant tout achat pour savoir à quel point celle-ci est atteinte par ce défaut, et au besoin vous tourner vers un autre modèle si le problème est rédhibitoire.
Pour les vidéastes et adeptes du focus stacking, il semble plus pertinent d’éviter au maximum les objectifs les plus affectés par le phénomène. Les constructeurs ont toutefois pris conscience de la gêne occasionnée par ce désagrément et font en sorte que le focus breathing soit mieux corrigé sur les objectifs les plus récents.
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J’avais vaguement lu des articles concernant ces « changements de focale » dus aux changement de mise au point sur des optiques à mise au point interne. Je ne savais pas qu’on y avait donné un nom. Toutefois, un terme francophone serait quand même plus souhaitable pour les photographes « de par chez nous »… quelque chose (aux pyphes) comme « distance focale parasitée ».
Je fais régulièrement des prises de vue en focus stacking sur des fleurs :
Canon R6, 100mm f/2,8 macro, post traitement avec Affinity puis Lightroom.
Je ne suis pas gêné par le focus breathing.
Le focus breathing, ne serait-il pas gommé dans la première phase d’alignement des images lors du post traitement ?
Dans ce cas la variation de distance de mise au point est minime, l’effet, s’il existe, ne se voit que très peu.
Avec les 150 photos du focus stacking j’ai fait une courte vidéo (40 ms par image), on voit parfaitement le focus breathing. Pour qu’il soit corrigé sur la photo finale il est nécessaire que le logiciel d’assemblage le corrige. Comment puis-je vous envoyer cette vidéo ?
Un lien YouTube, c’est le plus simple
YouTube : https://youtu.be/9P16NoxTda0
Vous prenez le Tamron G2 pour illustrer, mais le pire que j’ai connu en Focus Breathing c’est le Nikon 70 200 VRii.
Le Tamron G2 ( Un ami me l’a prêté ) s’en sort beaucoup mieux que le Nikon VRii.
Je parle pour les zooms 70-200.
Un autre secteur où se pose le problème, bien que mineur vu le peu de monde : la macro-photogrammétrie; si l’auto focus est utilisé lors de la prise de vue, le focus breathing risque de produire des différences entre l’angle de prise de vue et les données exif sur lesquelles peuvent se baser les programmes de photogrammétrie. Cela induit un mauvais calcul épipolaire des points de contrôle ou un décalage de texture … idem pour de la photogrammétrie en polarisation croisée (où on prend une photographie polarisée et non-polarisée) si on travaille avec l’AF (l’af refera une mise au point entre les deux images).