Dans l’univers de la photographie, le débat entre la couleur et noir et blanc est permanent. Chaque approche a ses fervents défenseurs et ses atouts uniques. Mais pourquoi se limiter à l’une ou l’autre quand on peut avoir les deux ?
Si vous êtes attiré par l’éclat des couleurs, découvrez comment vous pouvez ajouter la sobriété du noir et blanc dans votre pratique photographique.
Une époque de contraintes
Quel est le point commun entre tous ces photographes légendaires que sont Ralph Gibson, Henri Cartier-Bresson, Robert Doisneau, Lee Friedlander, Gary Winogrand, Daido Moriyama, et Josef Koudelka ?
Ils étaient trop pauvres pour faire de la couleur.
À l’époque de l’argentique, la couleur coûtait une fortune : films, développement, tirages de lecture, tirages d’exposition. Le noir et blanc était une nécessité économique autant qu’un choix artistique.
Ces photographes se sont donc tournés vers le noir et blanc par nécessité. Mais cette contrainte les a aussi poussés à se concentrer sur la composition, le contraste et la lumière, faisant de la limitation économique une différenciation artistique.
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Aujourd’hui, plus de différence de coût entre couleur et noir et blanc
Venise – photo (C) JC Dichant
Depuis l’arrivée du numérique, il n’y a plus de différence de coût entre couleur et noir et blanc. Appareil photo, carte mémoire, logiciel de post-traitement ou tirages, tout est équivalent. Cette démocratisation de la photographie a ouvert de nouvelles possibilités, mais a aussi introduit un nouveau dilemme pour les photographes.
Vous avez un appareil photo qui peut tout faire, donc aucune raison de vous limiter à la couleur. Que vous soyez adepte de la photographie de paysages, de nature, de portraits, de scènes de famille, de sport, d’urbain, d’architecture ou de photo animalière, tout peut être photographié aussi bien en couleur qu’en noir et blanc.
Avec le format RAW, vous avez la liberté de décider après la prise de vue si votre photo sera en couleur ou en noir et blanc, même si je persiste à penser qu’une photo en noir et blanc se crée à la prise de vue. Pourtant, quelque chose coince encore chez de nombreux photographes amateurs.
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La difficulté apparente du noir et blanc
Les oies bernache du Canada – lac de Créteil – photo (C) JC Dichant
De nombreux photographes amateurs n’osent pas le noir et blanc, car ils ne savent pas quoi faire de ces images souvent peu séduisantes en version « brut de carte ». Produire un noir et blanc direct de qualité (lire « en JPG ») est effectivement difficile sans une bonne maîtrise des réglages de votre appareil.
Vous pouvez jouer avec les ajustements fins ainsi qu’avec l’exposition et le contraste global, mais vous ne pouvez pas ajuster une zone particulière d’une photo sans que les autres ne soient impactées.
L’importance des ajustements locaux
Le noir et blanc est souvent une question de traitement local. En argentique, on utilise nos mains et des masques pour moduler l’exposition des différentes zones de la photo.
Passer au noir et blanc numérique vous permet de simplifier ces ajustements locaux comme globaux, sans y passer le temps que le labo argentique suppose. Les essais ne vous coûtent plus rien et il existe une multitude de modèles de rendus (‘presets’) pour vous lancer, y compris les simulations de films argentiques que je partage dans mes formations.
La liberté de revenir à la couleur
Si le résultat ne vous convient pas, un clic suffit pour revenir à la version couleur. Cette flexibilité apportée par le format RAW est un atout majeur du numérique. Vous pouvez expérimenter sans gaspiller de la chimie, du papier et votre temps.
Non, ce n’était pas mieux avant
MacVal Vitry sur Seine – photo (C) JC Dichant
Chaque époque a ses défis et opportunités. Les photographes d’hier ont créé leurs images avec les moyens limités dont ils disposaient. Aujourd’hui, vous avez à votre disposition des outils performants pour repousser les limites de votre pratique photo.
L’important est de toujours explorer, expérimenter et apprendre. Que ce soit en couleur ou en noir et blanc, l’essentiel est de vous faire plaisir.
La puissance de la simplicité
Revenons-en à ce qui a fait le succès des photographes de l’époque argentique, dont ceux cités en introduction. Le noir et blanc simplifie la scène en éliminant la distraction apportée par les couleurs. Il permet au spectateur de se concentrer sur les éléments fondamentaux de l’image : la lumière, la forme, la texture et le sujet.
Rien n’a changé avec le noir et blanc numérique. Cette simplification vous permet de mettre en avant ce que vous voyez de la scène photographiée. Par exemple, un portrait en noir et blanc peut révéler des traits de caractère, des émotions et des expressions qui seraient noyées dans une image en couleur.
Une évocation du passé
Le noir et blanc évoque souvent une sensation de nostalgie et de temps révolu. Cela peut créer une connexion émotionnelle plus profonde avec le spectateur, rappelant les photographies d’époque ou les films muets.
Cette évocation du passé peut également rendre des scènes ordinaires plus attirantes et apporter ce supplément de personnalité qui fait la différence en cette période où tout doit toujours être plus visible, plus rapide, plus riche, plus voyant, plus racoleur.
Les quais de Seine à Vitry sur Seine – photo (C) JC Dichant
Accentuation des émotions
Sans les distractions des couleurs, les émotions sont souvent plus prononcées en noir et blanc. Les contrastes entre les zones claires et sombres peuvent intensifier les sentiments de tristesse, de joie, de solitude ou de contemplation.
Les photographies de Robert Doisneau, par exemple, montrent souvent des moments de vie quotidienne avec une telle émotion que vous pouvez presque sentir l’atmosphère du moment.
Création d’une atmosphère dramatique
Le noir et blanc peut ajouter un effet dramatique à une image, rendant les scènes plus intenses et captivantes. Les jeux de lumière et d’ombre créent des contrastes forts, souvent renforcés en post-traitement, qui peuvent transformer une scène banale en une photo spectaculaire.
Photographiez un paysage urbain sous une pluie battante, une rue déserte éclairée par des réverbères, un visage éclairé par une lumière latérale ou un alignement d’arbres et vous obtiendrez des images puissantes et dramatiques en noir et blanc.
Alignement d’arbres dans le Lot – photo (C) JC Dichant
Renforcement de la structure et de la forme des photos
En éliminant la couleur, le noir et blanc favorise la mise en avant de la structure et de la forme de vos sujets. Les lignes, les motifs et les textures deviennent plus visibles, ils vous permettent de créer des compositions visuelles fortes et attirantes.
En procédant ainsi, vous invitez le spectateur à explorer les détails et les éléments graphiques de vos images. Les photos de Lee Friedlander, par exemple, exploitent souvent ces éléments pour créer des compositions complexes et intrigantes.
Une intimité accrue
Le noir et blanc peut créer un sentiment d’intimité et de proximité avec le sujet en réduisant les distractions visuelles. En photographie de portrait, cela peut rendre le sujet plus accessible et vulnérable, permettant à la personne qui observe la photo de ressentir une connexion plus profonde.
Les portraits en noir et blanc de Yousuf Karsh sont ainsi connus pour leur capacité à capturer l’essence des sujets avec une intensité et une intimité remarquables.
Un recentrage sur le sujet
Pauline – photo (C) JC Dichant
Le noir et blanc aide à concentrer l’attention du spectateur sur le sujet principal de l’image. En supprimant les couleurs, il n’y a plus de distractions chromatiques qui pourraient détourner l’attention. Cela permet de mettre en avant le sujet et de renforcer le message ou l’émotion que le photographe souhaite transmettre.
Une photo de rue en noir et blanc, par exemple, peut mettre en valeur les interactions humaines et les expressions des personnes, créant ainsi une narration plus forte.
La pureté de l’expression
Le noir et blanc peut être perçu comme une forme de photographie plus pure et directe. Cette approche minimaliste, chère à Denis Dubesset, peut rendre les images plus honnêtes et authentiques, permettant une interprétation plus profonde et personnelle de la part du spectateur.
Les photos en noir et blanc peuvent inciter à la contemplation et à la réflexion. Elles invitent le spectateur à s’arrêter, à regarder plus attentivement, à réfléchir sur ce qu’il voit. Le manque de couleur peut permettre au spectateur de mieux rentrer dans l’image. L’expérience émotionnelle est alors plus riche, car le spectateur prend le temps de regarder la photo et non plus de la voir.
Monts du Jura – photo (C) JC Dichant
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Alors, couleur et noir et blanc, vous prenez les deux ?
Le noir et blanc a une portée universelle. Sans les différences de couleur, les photos en noir et blanc peuvent transcender les cultures, les époques et les frontières. Cette universalité permet de communiquer des émotions et des idées qui résonnent avec un public plus large.
En explorant ces aspects, vous allez mieux comprendre comment le noir et blanc peut être une pratique séduisante pour créer des images chargées en émotion et intemporelles.
Testez le noir et blanc numérique, il peut vous ouvrir de nouvelles perspectives et enrichir votre approche photographique en vous permettant de montrer la beauté du monde avec une profondeur et une intensité que vos photos en couleur ne montrent pas forcément.
Quelques photos en noir et blanc
Beach photography – photo (C) JC Dichant
Les chevaux de la Meuse – photo (C) JC Dichant
MacVal de Vitry sur Seine – photo (C) JC Dichant
Location d’utilitaires – photo (C) JC Dichant
Au skate park – photo (C) JC Dichant
Sous l’A86 – photo (C) JC Dichant
Parc des lilas de Vitry sur Seine – photo (C) JC Dichant
Les vaches de la Meuse – photo (C) JC Dichant
Maëlle – photo (C) JC Dichant
Le phare du Minou – Plouzané – photo (C) JC Dichant
Grande Halle de la Villette – photo (C) JC Dichant
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TRES intéressant, merci ! Le paragraphe »Une époque de contraintes » (époque Doisneau, Cartier-Bresson…) apporte un éclairage essentiel à la compréhension du talent de ces »mythes » : ils étaient obligés et ont fini par tirer le meilleur de l’outil disponible. A force de faire, ils ont fini par voir, comprendre, imaginer et même provoquer ce qui est beau en NB.
Toutes proportions gardées avec ces légendes, je trouve intéressant de procéder un peu de la même manière : ne pas avoir le choix, c-à-d ne pas se donner le choix (couleur ET noir&blanc), s’imposer le NB dès le départ, en Jpeg, pour se forcer à un résultat NB.
Personnellement je fais souvent comme ça pour essayer de »réfléchir » NB et éviter la tentation du retour à la couleur. En tout cas, je trouve (c’est juste mon avis) qu’il est impératif de prendre sa photo »de départ » en NB, même si c’est du raw, parce que ma tête est déjà en mode NB.
En tout cas, un grand merci pour cet article qui pointe et souligne plein de raisons au NB que je ne voyais ni ne connaissais. Le genre d’articles qui me conforte dans l’idée que j’ai vraiment tout le matériel qu’il faut (même si c’est pas le meilleur) et que pour m’améliorer, c’est du côté du savoir-faire que je dois chercher…