Avez-vous déjà passé une nuit en forêt entouré des cris rauques de cerfs en rut ? C’est une expérience qui vous transporte et dont vous aimeriez garder trace mais photographier le brame du cerf demande quelques connaissances.
David Jutier est photographe animalier, il vous livre ses conseils pour réussir vos photos de cerf.
Article rédigé par David Jutier du blog La Photo Nature.
Comment photographier le brame du cerf
Nous sommes mi-septembre et le brame du cerf bat son plein. Pour vous, c’est un spectacle magique offert par le plus gros animal de nos forêts. Mais pour les cerfs et les biches, c’est le moment clé de l’année.
Les mâles sont dans un état d’excitation maximum. Entre les accouplements, la défense de la place et les efforts déployés pour attirer les biches, ils dépensent une énergie colossale. Le tout sans s’alimenter ou presque.
Quant aux biches, elles ne connaissent que deux ovulations au cours de la période de reproduction et ne sont fécondes que 24h par cycle. Mieux vaut que rien ne vienne perturber ces rares instants propices.
Vous me voyez venir ?
Crédit photo : Giedrius Stakauskas
Eh oui, ce n’est pas le moment de batifoler dans les parcelles en faisant craquer toutes les feuilles mortes de la forêt. Malheureusement pour eux, les cerfs proposent un show qui attire beaucoup de monde dans les massifs et les dérangements sont nombreux.
Pour couronner le tout, les cerfs et les biches subissent une énorme pression de chasse. Et la chasse commence en plein brame. Dès la mi-septembre pour la chasse à courre, 10 jours plus tard pour les tirs.
Le roi de la forêt qui se fait courser et canarder en pleine saison des amours, on croit rêver ! Mais c’est bien la réalité. On parle donc d’animaux particulièrement sensibles. Alors vous qui aimez profondément la nature, il est clair que vous n’allez pas rajouter un dérangement, si minime soit-il.
Mais vous voulez tout de même vivre cette expérience de l’écoute du brame ? Et tenter de photographier le brame du cerf pendant ces moments uniques ?
Voici une méthode en trois étapes simples
Un « deuxième tête » (jeune de 2 ans 1/2) croisé depuis le bord du chemin. 200 mm f/2.8 1/15s 6.400 ISO
Photographier le brame du cerf : l’éventuel repérage à la maison
Avant tout, si vous ne savez pas si le cerf est présent près de chez vous, cette carte de l’Office Français pour la Biodiversité vous permettra de vérifier :
https://carmen.carmencarto.fr/38/Cerf_elaphe.map
Et si vous n’avez pas déjà des zones propices en tête, vous pouvez sortir votre plus belle carte IGN (ou cliquez ici : https://www.geoportail.gouv.fr/) pour repérer les boisements, massifs et autres forêts qui pourraient abriter les cervidés.
Essayez de repérer les zones mixtes, les lisières forestières, les chemins à proximité des clairières…
Le repérage sur le terrain
Le cerf n’étant pas très discret à cette période (1 km de portée à chaque raire émis), les zones de brame sont souvent connues ou faciles à localiser. Parfois même vous pouvez entendre les cris rauques depuis la voiture sur les départementales forestières. Mais niveau précision, pour de belles écoutes ou observations, ça ne suffira généralement pas. Il va falloir que vous alliez un peu plus dans le détail.
Et pour cela, photographier le brame du cerf sans repérage de terrain point de salut. Vous pouvez même en faire deux, des repérages : un entre la fin de matinée et le milieu d’après-midi (quand vous êtes sûr que les animaux sont au repos, bien cachés) pour détecter les zones les plus propices, puis un de nuit pour préciser les choses.
De jour comme de nuit sur les sentiers, toujours.
De jour, vous allez pouvoir parcourir du terrain et détecter les traces (empreintes, crottes, coulées, troncs écorcés). Et donc déterminer quelques endroits qui vous semblent fréquentés par les animaux.
Non ceci n’est pas un sentier humain, mais bien une belle « coulée », un passage emprunté par les cerfs et les biches.
Au milieu de la coulée, ces grosses empreintes de presque 10 cm de long sont typiques. Au pas, les sabots postérieurs se superposent en partie à la trace laissée par les antérieurs. Résultat : une empreinte qui ne ressemble pas à grand chose il faut bien l’avouer…
De nuit (après 21h30 et avant 5h du matin), vous allez pouvoir vous rendre sur un site sélectionné de jour (en vous garant bien loin) et constater si oui ou non ça brame fort dans les parages. Attention, là les animaux seront en pleine activité. Vigilance maximum !
Pour ces repérages, vous faite simple :
- Toujours avancer face au vent sans porter de cosmétiques, gels, laques et autres parfums.
- Être le plus silencieux possible. Bizarrement un coupe-vent en synthétique fait bien plus de bruit la nuit en pleine forêt qu’à la maison en plein jour.
- Pas de lampes (à la limite la lumière rouge des frontales qui en sont équipées, et de courts moments seulement).
- Porter des vêtements neutres et sombres : pas besoin d’un camouflage sophistiqué pour ces repérages.
- De jour, ne pas oublier les jumelles.
Photographier le brame du cerf : l’étape photo
Là, deux cas de figures :
Soit vous êtes un photographe/naturaliste d’expérience. Vous avez fait vos repérages bien avant la saison du brame, vous connaissez les coulées et les probables places de brames, et vous savez quand et comment rejoindre puis quitter votre poste d’affût tel un Ninja des bois (et vous lisez cet article juste parce que vous aimez les cerfs).
Soit vous n’êtes pas dans le cas précédent, mais grâce à vos repérages vous allez trouver un super site et vous voudriez bien tenter d’observer les cervidés, voire de photographier le brame du cerf tant attendu.
Depuis les sentiers, c’est tout à fait possible. Mais pour cela vous allez devoir passer en mode furtif intégral :
- Toujours les vêtements sombres et neutres
- Plus une cagoule sur le visage et des gants pour les mains
- Au moins un filet de camouflage en tissu capable de vous recouvrir entièrement (oubliez ceux en plastique, trop bruyants)
- Et enfin un couvre-chef. La casquette est bien pratique avec sa visière qui évite que le filet de camouflage ne tombe directement sur les yeux.
Je détaille cela dans la section « matériel » plus bas.
Avec cet équipement minimum vous allez pouvoir faire une sorte de « billebaude-affût » : vous poster assis en bordure de chemin, attendre, vous déplacer un peu si nécessaire, vous poster à nouveau… Avec les jumelles ou avec votre téléobjectif sur un monopode. J’ai testé la méthode avec un trépied, c’est vraiment galère de se déplacer discrètement (mais peut-être que je manque juste de souplesse).
Et les horaires dans tout ça ? Le mieux est d’arriver une heure avant le lever ou le coucher du soleil (au sens « civil » du terme, à voir dans l’éphéméride, ça change vite en cette période), et de repartir au moins deux heures après (sur la pointe des pieds toujours).
Avec cette méthode mixte de billebaude et d’affut, vous pourrez peut-être observer un beau 12 cors dans la futaie. C’est en tout cas ainsi que cette observation a été réalisée.
En photo animalière rien n’est jamais garanti, surtout quand on choisit de se fondre avec discrétion et respect dans la nature. Ce sont toujours les animaux qui décident. Comme disait le célèbre naturaliste Robert Hainard :
Il faut être patient jusqu’à fatiguer la chance.
Ce qui est garanti en tout cas c’est la sensation de félicité merveilleuse qu’offre la forêt au crépuscule en cette fin d’été. Photographier le brame du cerf, parfois, passe au second plan en matière de plaisir des yeux !
Donc si vous voulez sauter le pas et vous offrir une ou plusieurs de ces séances uniques, il va vous falloir un peu d’équipement : jumelles, camouflage et matériel photo. On fait le point.
Matériel pour photographier le brame du cerf
Les jumelles
C’est la base. Utiles aussi bien lors des repérages que lors des séances d’observation et de prises de vues, de bonnes jumelles sont indispensables. Et en la matière, il y a pléthore de choix : des grosses, des petites, des étanches, des très mauvaises et des merveilles.
On pourrait écrire un article complet sur le sujet, mais on va faire court avec quelques conseils génériques bien suffisants pour faire un choix éclairé : les meilleures jumelles sont celles que vous avez déjà à la maison ou que vous pouvez emprunter. Pour un usage occasionnel pas la peine d’investir.
Mais si vous voulez vous équiper pour des observations régulières comme pour photographier le brame du cerf de la meilleure des façons, ou que vos jumelles actuelles vous hérissent vraiment le poil, alors un nouveau modèle s’impose.
Pour cela, choisissez un grossissement de x8 (suffisant en milieu fermé comme une forêt) ou x10 (passe-partout).
Il vous faudra aussi des jumelles assez lumineuses : oculaire de 32 si vous optez pour un grossissement de x8 de ou 42 pour des jumelles x10.
Ce sont donc les jumelles notées « 8×32 » et « 10×42 » qui seront les plus intéressantes, et cela correspond logiquement à de nombreux modèles du marché.
La différence entre les deux types ? Le poids. Les 8×32 vous offriront un peu plus de confort. Elles sont aussi plus compactes, et moins sensibles à vos tremblements. En contrepartie le grossissement sera un peu moindre (logique).
Choisissez aussi des jumelles étanches (indispensable) et munies de bonnettes (les plastiques contre lesquels vous collez vos yeux) dîtes « twist », qui se rétractent et se replient d’une simple rotation.
Et le prix ? Il y en a pour toutes les bourses. Mais la tranche 150 – 500 euros (oui, c’est déjà large) donne selon moi les meilleurs rapports qualité/prix. Voici quelques modèles de jumelles dans cette gamme de prix.
Les différences de tarifs de 150 à 500+ euros sont liés aux traitements des verres et des prismes. Plus vous monterez en prix plus l’image sera nette et définie (en particulier sur les bords du champ).
Enfin, vous pouvez garder un peu de budget pour un harnais de portage. Il vous permettra de ménager vos cervicales et vous évitera de pester en permanence contre ces satanées jumelles qui pendouillent et viennent taper dans tout ce qu’elles peuvent.
Le camouflage
La vérité est rude : nous vivons avec les cervidés un amour non réciproque. Ils détalent dès qu’ils détectent une présence humaine.
Pour espérer observer les animaux sauvages, même lors du brame alors qu’ils sont moins attentifs et plus visibles, il faut se faire discret. Très discret.
Les cerfs et les biches peuvent vous voir, vous entendre et vous sentir. Voyons comment vous pouvez tromper les sens des cerfs au brame.
La vue
Le bruit court que les cervidés ont une vue moyenne. Rien n’est moins vrai. Ils ont une vue différente de la nôtre, c’est tout.
Ce qui est juste, c’est qu’ils ne distinguent pas aussi bien les couleurs que nous. Ils ne font pas la différence entre le vert et l’orange par exemple (ce qui arrange bien les tigres et les chasseurs). Pour le reste, on peut leur envier :
- une très bonne vision nocturne
- une vision panoramique. Attention, ils voient derrière eux.
- une excellente sensibilité aux mouvements
- une très bonne détection des contrastes
Pour espérer les duper, il va donc falloir que vous cassiez votre silhouette bipède et que vous masquiez votre peau (surtout si comme moi vous êtes tout blanc). Pour cela voici le matériel de camouflage que vous pouvez adopter pour la méthode de billebaude-affût décrite plus haut :
Vêtements de camouflage, casquette, cagoule, gants et filet de camouflage en tissu. Normalement avec cet équipement minimum vous mettez toutes les chances de votre coté pour photographier le brame du cerf
L’odorat
Un cerf, c’est 300 millions de récepteurs olfactifs (contre 5 millions chez l’humain, pour comparaison). Donc là, pas de matériel miracle. Pour ne pas vous faire repérer, vous devrez obligatoirement vous tenir vent de face.
Pour cela, toujours vérifier en amont sur les sites météo quelle est l’orientation générale du vent. Cela vous permettra de bien sélectionner le site et de choisir votre chemin d’approche.
Une fois sur place, vous devrez préciser la direction du vent et progresser en conséquence. Vous pouvez éventuellement utiliser une petite poire soufflante remplie de talc ou de farine. Sinon, laisser tomber de petits fragments de végétaux secs marche aussi.
L’ouïe
Les cervidés l’ont excellente. Soyez extrêmement attentifs.
Il n’existe malheureusement pas de matériel miracle anti-craquements de feuilles ou de branches pour être le plus silencieux possible. Tout juste pouvez-vous offrir une housse anti-bruit à votre appareil photo et utiliser l’obturateur électronique silencieux si vous possédez un hybride.
Ce sera à vous d’avancer à pas feutré d’un poste à l’autre, par petits intervalles.
Le matériel photo
Il va vous falloir surmonter deux difficultés pour photographier le brame du cerf :
- Les animaux seront sans doute à plusieurs dizaines de mètres
- La lumière sera faible, voire très faible
Si vous ne voulez pas que votre cerf ressemble à un petit point marron dans l’image vous allez donc avoir besoin d’un téléobjectif assez puissant. Et d’un appareil qui supporte bien les montées en sensibilité. Photographier le brame du cerf est donc une mission pour les reflex et les hybrides.
Les images qui illustrent cet article ont été réalisées avec un 200 mm f/2.8 sur un appareil plein format. Vous le voyez, avec un téléobjectif qui n’a rien d’un outil de la NASA vous pouvez déjà faire des images sympathiques. Mais honnêtement, c’est un peu court.
Si vous avez la possibilité de monter à 400 mm (équivalent plein format), ce sera idéal.
Le second point clé est la luminosité de l’objectif. Comme les animaux se montrent principalement au crépuscule, vous allez devoir composer avec de très faibles lumières. Donc plus votre objectif ouvre grand mieux ce sera.
Si vous ne possédez pas un télé ouvrant à f/2,8, vous allez devoir monter assez haut dans les ISO. Les capteurs plein format ou APS-C récents tiennent très bien cette montée et sont parfaits pour photographier le brame du cerf. Le micro 4/3 est un peu juste (mais à cœur vaillant rien d’impossible !). L’APS-C est un excellent compromis, utilisé par beaucoup de photographes animaliers, qui vous permet de bénéficier de son facteur de recadrage.
Lisez le dossier sur les téléobjectifs pour en savoir plus.
Petit conseil au passage concernant ce problème de faible lumière : vous pouvez parfaitement sous-exposer vos images de 1 ou même 2 stops lors de la prise de vue. Vous allez ainsi diminuer le temps de pose de manière parfois salutaire. Et, pour peu que vous enregistriez bien en RAW, vous pourrez reprendre l’exposition finement ensuite en post-traitement. Cela revient à confier la montée en ISO et le débruitage à votre logiciel plutôt qu’aux algorithmes de l’appareil photo. C’est souvent bien meilleur.
Et souvenez-vous, il vaut mieux une image un peu bruitée qu’une photo floue !
Faites de bonnes photos et profitez de la forêt avec respect et humilité. Vous avez jusqu’à début octobre pour faire le plein de brame. Ne le loupez pas, c’est une fois par an seulement !
Article rédigé par David Jutier du blog La Photo Nature.
Cet article vous a aidé ?
Recevez ma boîte à outils photo pour progresser en photo même si vous n'avez que 5 minutes par jour.
Merci Jean-Christophe pour l’accueil de cet article sur ton blog 🙂
Posez vos questions ou vos commentaires, j’y répondrai avec plaisir ci-dessous.