La diapositive se meurt et pourtant quelques irréductibles continuent à utiliser ce film pour ses qualités colorimétriques, le moyen-format et son charme si particulier. Le moyen-format numérique est encore difficilement accessible mais les boîtiers argentiques d’occasion ne valent plus très cher et le film diapo se trouve encore assez facilement. Une fois les dias développées, un scanner à plat plus trop onéreux fera l’affaire pour disposer de fichiers de qualité.
Reste un obstacle, le développement, car les labos qui développent les dias commencent à se faire rares, la qualité n’est pas toujours au rendez-vous et le tarif devient exhorbitant. Une solution : développer soi-même ses films diapositives, avec un minimum d’investissement et chez soi. Vous avez une casserole et des dias exposées ? Lisez la suite !
Article proposé par Jef pour Nikon Passion
Mes aventures au labo … ou développement d’une Fuji Velvia dans une casserole !
J’ai découvert le labo un peu par hasard pendant mes études. En fait, j’ai eu la chance d’avoir accès à un labo dans l’enceinte de l’école, et c’est là que j’ai commencé à tirer quelques photos en noir et blanc. Pas vraiment du matériel de pro, ni des résultats formidables, mais tout ce qu’il faut pour attraper le virus ! Ceux qui n’ont jamais vu un tirage monter dans le bac du révélateur ne peuvent pas comprendre…
Le développement dans le commerce ne coûtait pas très cher, mais c’était un peu frustrant de tirer soi-même ses photos tout en confiant la pellicule à quelqu’un d’autre. J’ai donc acheté une cuve et hop, je me suis mis à les développer moi-même.
Je ne m’étendrai pas là-dessus, il y a déjà une série d’articles très bien documentés sur ce sujet sur ce site.
J’ai aussi un boîtier numérique qui me satisfait pleinement pour la couleur. Seulement voilà : le moyen format, c’est tentant… Et le mieux, ce serait de faire de la diapo en moyen format, non ? Une bonne Velvia en 6×7, ça doit en avoir, de l’allure…
Mais confier des diapos moyen format à un labo, ça risque de faire mal au portefeuille. Serais-je donc capable de développer moi-même les diapos ? On dit que le développement de la couleur, c’est difficile…
Une seule solution : faire un test en 24×36. J’achète deux pellicules. Il faudra faire les photos ; la partie la plus facile.
Reste à s’équiper pour le développement. Une petite recherche sur internet pour m’assurer du mode opératoire, et je peaufine la liste du matériel nécessaire :
- 1 cuve (j’ai déjà, ça tombe rudement bien)
- le kit de développement (Je choisis le Tetenal 3 bains pour deux raisons : trois bains, c’est deux fois moins que six, et en plus, c’est le seul que j’ai trouvé…)
- 3 fioles de 500 ml et 3 de 25 ml pour la préparation des 3 bains
- 1 thermomètre précis
- 3 flacons pour conserver les préparations
- 1 machine Jobo… ben ça, ce n’est pas si facile à trouver…
Là, le point qui bloque, c’est la machine. D’après mes lectures, elle sert à l’agitation et au maintien de la température. Le problème, c’est que c’est très encombrant, c’est un investissement conséquent (je rappelle que ce développement n’est qu’un essai), et ça va demander un moment avant d’en trouver une… Bah, on fera sans ! Après tout, l’agitation, je peux la faire moi-même, et maintenir un bain-marie à 38°, ça ne doit pas être si compliqué.
J’achète donc tout le matériel, sauf la machine, et je rentre chez moi. L’ouverture du kit est la première surprise. C’est du trois bains ou du six bains ? Je vérifie sur le paquet : c’est bien marqué TROIS bains. Mais alors, pourquoi y a t’il six flacons ? Après examen, je vois qu’en fait de trois bains, il y en a quatre et que deux d’entre eux se préparent en mélangeant deux solutions. C’est comme les mousquetaires, on nous en annonce trois, on en trouve quatre…
La pellicule terminée, arrive le moment de vérité : le développement !
D’abord, préparer le labo, heu… ma cuisine.
La première chose à faire, c’est de préparer les solutions.
– La première solution est le premier révélateur. Normal, c’est ce qu’on fait en premier ! Il fonctionne comme en noir et blanc et va en fait révéler trois images noir et blanc en négatif, une sur chaque couche colorée. La préparation se fait comme en noir et blanc : un peu de produit et un peu d’eau. Mais attention, une fois préparée, la solution doit être rangée immédiatement dans son flacon étanche. Elle peut en effet être contaminée par les seules vapeurs de la solution suivante…
– Ensuite, c’est la solution pour l’inversion et le développement chromogène. Il faut mélanger deux solutions dans des proportions précises et compléter avec de l’eau. Bon, avec les fioles 25 ml, ce n’est pas très difficile d’être précis. La moindre erreur ici risque de provoquer des dominantes colorées, mais encore une fois, il ne faut pas s’en faire un monde. Il suffit de suivre les instructions. Le kit Tetenal réunit dans cette solution à la fois l’inversion et le développement chromogène. L’inversion consiste à illuminer les halogénures non exposés et non traités dans le premier révélateur. On obtient ainsi trois images positives. Le(s) révélateur(s) chromogène(s) va(vont) agir sur chaque couche pour récupérer les images positives colorées.
– La troisième solution, c’est le blanchiment-fixage. Là encore, deux étapes sont réunies en une seule. Sans rentrer dans les détails, disons que lors de cette étape, les halogénures sont évacués et il ne reste que la diapositive telle qu’on la voit par la suite. Deux solutions à mélanger dans de l’eau ; rien de bien compliqué.
Maintenant, il me faut amener les solutions à la bonne température, maintenir le tout à cette température pendant les bains, et avoir une réserve d’eau toujours à cette même température pour les rinçages. Ça a l’air simple, tout ça…
Voyons voir…
J’ai une petite casserole pour immerger la cuve, une cocotte pour avoir plusieurs litres d’eau chaude sous le coude, et un ou deux saladiers pour immerger les flacons et amener les solutions à la bonne température.
Je fais chauffer de l’eau dans la bouilloire pour la partie chaude et je remplis le fond de l’évier pour la partie froide. Ne reste plus qu’à faire les mélanges dans les bonnes proportions. C’est juste de la thermodynamique, après tout, me dis-je.
Au bout de trente minutes environ, j’arrive péniblement à avoir l’ensemble à 39 degrés. J’espère ainsi avoir le tout à 38 degrés dans peu de temps. Une fois les récipients recouverts pour garder la chaleur, j’estime avoir un peu de temps devant moi pour préparer la pellicule.
Ce sera la partie la moins mystérieuse. J’ai déjà développé du noir et blanc. L’insertion d’une pellicule diapo dans la spire, ça doit être pareil. Cinq minutes plus tard, je confirme, c’est pareil. La pellicule est en place dans la cuve. Passons aux choses sérieuses.
Le premier bain est le plus critique : 6 minutes exactement, 38° plus ou moins 0.3°, agitation constante par rotation. Précisons que le temps est compté entre le premier contact avec la solution et le début du rinçage. C’est là qu’il faut utiliser un chronomètre assez précis. Une montre avec trotteuse suffit. Evidemment, Murphy étant passé par là, plus de piles dans ma montre… Pas une seule horloge ou un réveil avec trotteuse dans mon appartement. Bisque, rage. Que faire ? Je suivrai finalement le temps avec un PDA. On est moderne ou on ne l’est pas…
Et c’est parti. Je surveille le temps. Ça arrive sur 00, je remplis la cuve, en partie immergée dans de l’eau à 38°, avec la solution amenée à température. Rotation constante à la main. 5’45 plus tard, je vide la cuve dans la fiole du révélateur, et début du rinçage à 6 min. Jusqu’ici, tout va bien. Je prends 15 secondes de pause pour remettre le révélateur dans son flacon. Puis deuxième bain. On démarre sur 00, et hop, même procédure. Puis encore rinçage. Le troisième bain est moins critique. La température demande moins de précision : 36° plus ou moins 3°. Tant mieux, car je commence à fatiguer. En effet pour maintenir le tout à 38°, je fais régulièrement des contrôles et des ajustements avec mes deux réserves d’eau, froide (20°) et chaude (90°). C’est sportif…
Il faut maintenant terminer tout ça avec un petit coup de stabilisateur (lequel contient aussi un agent mouillant). Le fameux quatrième bain… Là, je laisse la solution préparée dans la fiole. Je sors le film de sa spirale et je le plonge dans la solution. Il est en effet déconseillé de mettre les spires en contact avec l’agent mouillant. Température conseillée : environ 20°. En fait, maintenant, on s’en moque un peu de la température, toutes les étapes délicates sont passées.
Tout est enfin terminé. J’égoutte le film entre deux doigts pour éviter de le rayer.
Bien sûr, j’en profite pour regarder ce que ça donne : HORREUR ! Tout est terne, il y a comme un voile sur toute la bande. Argh, finalement, ce n’est pas si simple que ça de développer ses diapos…
Je suspends la pellicule pour le séchage et je retourne lire ma doc, de dépit. MIRACLE !
Un avertissement m’avait échappé : il est normal que le film paraisse terne à la fin du processus. Il ne faut juger du résultat qu’une fois le film complètement sec après un certain temps de repos.
Un peu plus tard, ça se confirme. Le voile a disparu. Les résultats sont remarquables. Les couleurs saturées de la Velvia sont un régal sur ma table lumineuse. Bon, oui, ok, en fait de table lumineuse, c’est la lampe de mon scanner, mais c’est mieux que rien.
Quelles conclusions tirer de cette expérience ?
Le développement des diapos (procédé E6) à domicile est faisable par un amateur sans pour autant avoir des années d’expérience du labo derrière soi.
Il faut prévoir du temps, un minimum de matériel (fioles et flacons), un bon thermomètre, précis et réactif. Le plus difficile est de maintenir une température assez proche de 38°, au moins pour le premier bain, la tolérance étant de plus en plus grande pour les bains suivants. Une expérience du noir et blanc sera utile pour la mise en spirale du film, mais le reste n’est pas bien difficile.
Il est évident qu’une machine Jobo rendrait tout ça plus facile et plus sûr. Mais c’est cher, encombrant et plus difficile à trouver qu’une cocotte minute et une casserole…
Alors si, comme moi, vous avez une conception de la photo argentique qui ressemble plus à un épisode de McGyver qu’à un cours appliqué de photo dans les règles, n’hésitez pas : développez vos dias dans une casserole !
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