Bien maitriser la technique reste un atout pour faire une photo macro réussie. Les trois premiers articles de ce guide pratique macro (le matériel, le rapport de grandissement et la gestion de la lumière) vous ont mis en confiance pour réaliser votre première photo macro en extérieur.
La macrophotographie reste néanmoins une discipline exigeante. Attendez-vous à un taux de déchet d’autant plus important qu’il est rare qu’on puisse la pratiquer très régulièrement. Mais à vaincre sans péril, on triomphe sans gloire, voici comment gérer la prise de vue !
Ce dossier macro est écrit par Jacques Croizer, déjà à l’origine de plusieurs tutoriels sur Nikon Passion, et auteur d’un guide qui simplifie la technique photo au profit du plaisir de photographier :
Tous photographes, 58 leçons pour réussir vos photos
Vous pouvez télécharger ce dossier macro au format PDF, cliquez sur le lien en fin d’article.
Comment faire une photo macro : le cadrage
Lorsqu’on utilise une focale fixe pour photographier un portrait ou un paysage, on se déplace pour ajuster le cadrage. Certains photographes prétendent même que c’est source de créativité alors imaginez la chance que vous avez de n’utiliser que des focales fixes pour faire de la macro !
Un objectif macro utilisé seul fonctionne en effet comme n’importe quel autre objectif. Il faut simplement vous rappeler que le grandissement maximum est obtenu à la mise au point minimale, et qu’il décroit très rapidement lorsqu’on s’en éloigne.
Dès lors que vous utilisez une bague ou une bonnette macro, la situation se complique. Vous avez lu les précédents épisodes … Vous savez donc qu’avec un objectif de focale standard 50 mm monté sur une bague de 50 mm, la zone de travail est extrêmement réduite : la distance réelle de mise au point varie entre 94 mm (MAP à 450 mm) et 100 mm (MAP à l’infini). En dehors de cette plage, la photo est intégralement floue.
Nous n’avons jusqu’à présent considéré cette information que sous l’angle de la taille du sujet dans la photo : un objet mesurant 36 mm dépassera la largeur d’un capteur plein format si l’on utilise le précédent montage à la mise au point minimale : le grandissement est en effet alors égal à 1,125. Il redescend à 1 si on fait la mise au point à l’infini, soit une variation de seulement 11 %.
La faible évolution du grandissement sur toute l’échelle de mise au point a une conséquence immédiate sur le cadrage de la photo : il est pratiquement imposé par le choix du matériel.
Quel matériel pour quel cadrage en macro ?
Pour faire une photo macro sans trop perdre de temps, on finit par choisir par réflexe le matériel (focale + bague) adapté à l’image envisagée. L’exercice se révèle plus délicat dès lors que notre pratique est plus occasionnelle. Il se révèle alors pratique d’avoir dans son sac ou sur son smartphone un tableau donnant le grandissement obtenu à la mise au point minimale, en fonction de son équipement.
Grandissement à la MAP minimale
La figure ci-dessus représente le tableau que j’utilise. Il révèle une pratique plus proche de la proxi que de la macro. A chacun de construire le sien à partir des formules précédemment détaillées. Il convient de bien prendre en compte la focale réelle de l’objectif à la mise au point minimale, inférieure à celle annoncée par le constructeur pour les objectifs macro. Et si les formules vous rebutent, adoptez l’approche empirique du double décimètre que nous avons vue dans l’article sur le grandissement !
Photo macro et profondeur de champ
Nous sommes en place, avec le bon objectif, le bon cadrage, une distance de mise au point pile poil au centre de la zone de travail, et pourtant… toute l’image apparait floue dans le viseur. Toute ? Non ! Car un petit groupe d’irréductibles pixels résiste encore à ce flou généralisé.
Vous vous souvenez alors avoir lu sur Nikon Passion un tutoriel sur la profondeur de champ en macrophotographie. Dire qu’elle est minimaliste est un euphémisme. Pour un boitier donné, la profondeur de champ dépend uniquement du diaphragme choisi Ø et du grandissement G.
En pratique, pour un grandissement de 1, la zone nette a une profondeur de 1,32 mm avec un capteur plein format, 0,86 mm avec un capteur APS-C et 0,26 mm avec un capteur 1 pouce.
Ces chiffres sont trompeurs, car il faut comparer des choses comparables, autrement dit des photos cadrées de la même manière. Pour qu’un sujet de la largeur du capteur 1 pouce (13,2 mm) prenne tout le cadre sur un capteur APS-C, il faut atteindre un grandissement de 1,8. Il doit être poussé à 2,7 pour obtenir le même résultat avec un capteur plein format.
Dans ces conditions, la profondeur de champ est de l’ordre du tiers de millimètre indépendamment du capteur, alors que le diaphragme est déjà bien fermé. C’est là tout le paradoxe qu’il faut gérer en macrophotographie : un sujet flou sur un fond trop texturé, au risque d’en réduire la lisibilité.
Plus que l’ouverture du diaphragme, c’est la distance entre fond et sujet qui permet de mettre ce dernier en valeur, de créer une ambiance. A quoi bon fermer d’avantage le diaphragme ? On ne gagne que quelques poils de profondeur de champ en polluant encore plus l’arrière-plan et en risquant de perdre du piqué par diffraction.
Profondeur de champ ressentie
Pensez-vous que ce soit la même chose de photographier en gros plan le profil d’un moustique ou celui d’une petite mouche ? Ces deux insectes occupent sensiblement la même place sur le capteur. Il serait donc tentant de répondre oui… mais il n’en est rien.
Mouche (f/5.6 à 1/400 s – Iso 800 – 105 mm + bagues 64 mm) (C) J. Croizer
Tout est question de tour de taille : il faut bien reconnaitre que sur ce point, les deux insectes ne boxent pas dans la même catégorie. Si on fait abstraction de ses ailes, l’épaisseur du moustique est pratiquement comprise dans la zone nette de la profondeur de champ, alors que la zone floue commence déjà à s’étendre sur le corps plus dodu de la mouche.
Si le flou s’installe rapidement sur le corps du sujet, on aura l’impression que toute la photo est floue. A contrario, si la zone de transition est large, la perte de netteté sera moins sensible, donnant l’impression d’une profondeur de champ plus importante.
Ce phénomène, qu’on appelle « profondeur de champ ressentie » dépend de 4 facteurs.
- La distance de mise au point : plus elle est longue et plus la transition est lente, augmentant ainsi la profondeur de champ ressentie. Mais pour faire une photo macro, augmenter la distance de mise au point est rarement une option envisageable, à moins d’accepter un recadrage ultérieur.
- Le diaphragme : plus il est fermé et plus la transition est lente. Il est assez logique que la profondeur de champ ressentie évolue dans le même sens que la profondeur de champ calculée… mais attention, le bokeh sera également affecté par la fermeture du diaphragme.
- La taille du capteur : plus il est petit et plus la transition est lente. De ce point de vue, le plein format n’est pas idéal en macro mais il permet des bokeh plus moelleux !
- La focale : plus elle est courte et plus la transition est lente. A cadrage constant, la focale n’a aucun impact sur la profondeur de champ théorique. Elle impacte en revanche largement la transition du net vers le flou. Si, dans le précédent tableau, vous avez le choix entre plusieurs formules, choisissez celle qui correspond à la focale la plus courte sous condition qu’elle soit compatible avec votre sujet : les focales courtes sont mal acceptées par les insectes.
La photo ci-dessous est faite avec un boitier APS-C dont le capteur est dépourvu de filtre passe-bas, ce qui tend à améliorer le piqué de l’image. Le diaphragme est plus fermé que sur la photo précédente et la focale légèrement plus courte. Prise sans bague ni bonnette, elle présente de plus un grandissement moins important. La profondeur de champ apparait logiquement plus étendue.
Mouche (f/11 à 1/125 s – Iso 400 – 90 mm) (C) Mikadago
Mise au point en macro
En macrophotographie, la profondeur de champ se répartit moitié devant, moitié derrière le plan de netteté. La zone nette étant plus qu’exiguë, la mise au point doit être faite avec une extrême précision, mais jamais sur l’élément le plus proche de vous : vous perdriez 50 % de la profondeur de champ !
Typiquement, pour faire une photo macro d’un insecte, vous devez viser ses yeux. C’est en effet le premier élément que notre propre regard recherche sur une photo lorsqu’elle inclut un animal ou un humain. Si la pupille est floue, autant vous dire qu’il faudra une excellente raison pour que l’on ne considère pas que l’ensemble de la photo l’est également.
Le mode autofocus « point sélectif », ou « mode ponctuel » selon les marques, serait à priori le plus efficient puisqu’il effectue la mise au point sur le seul collimateur actif. Mieux encore, le mode autofocus « zone réduite » qui utilise une surface encore plus restreinte devrait totalement répondre à notre exigence de précision. Oubliez !
Le manque de lumière, la profondeur de champ minimaliste, le faible contraste sur la zone sectionnée sont autant de raisons pour que la mise au point automatique soit à la traine. Même si vous réduisez l’amplitude de son champ d’action, ce qui est permis sur certains objectifs, l’autofocus se mettra à patiner sans jamais trouver de point d’accroche. Plus la focale est longue et plus le problème apparait fréquemment.
Focus peaking. Mise au point manuelle (Nikon Z 6)
Une seule solution : passer en mise au point manuelle. L’option focus peaking (mise en relief de la mise au point), qui équipe désormais beaucoup de boitiers, est en cela une aide précieuse : les contours qui sont nets apparaissent comme surlignés au Stabilo dans le viseur numérique ou sur l’écran arrière de l’appareil.
L’utilisation de la bague de mise au point est alors différente de ce dont nous avons l’habitude en photo traditionnelle. Elle sert à affiner le rapport de grandissement, donc le cadrage de l’image, dans les limites que nous avons déjà évoquées. La mise au point se fait en avançant ou en reculant légèrement le boitier. Une habitude à prendre !
Vitesse de déclenchement (temps de pose)
Lorsque la distance entre le sujet et l’objectif est faible, le moindre mouvement apparait comme décuplé, qu’il soit de votre fait (tremblement involontaire) ou de celui du sujet (vent, insecte en vol, …). Le flou est alors garanti. Les habituelles notions de vitesse de sécurité (inverse de la focale) ou de stabilisation de l’objectif (ou du capteur) sont à oublier.
Vous ne devez avoir en tête qu’une seule règle : pour avoir une bonne netteté, il faut que la vitesse de déclenchement soit la plus élevée possible (ou le temps de pose le plus court). Un challenge supplémentaire lorsqu’on se souvient que le grandissement et l’absence de profondeur de champ ont déjà consommé toute la lumière disponible. De la nécessité de souvent utiliser un éclairage additionnel.
Pour faire une photo macro et limiter le risque de bougé au moment du déclenchement, il peut être intéressant de déporter ce geste fatal à l’aide d’un déclencheur à distance.
Dans le même esprit de réduction de ses propres mouvements, il est également possible d’utiliser un monopode ou un trépied. Ce dernier interdit de faire la mise au point en avançant ou reculant le boîtier, si ce n’est en utilisant un plateau coulissant. Lorsqu’on travaille au soufflet, l’option est intégrée à l’accessoire Le système est bien évidemment réservé aux sujets fixes.
Trépied Macro Vanguard – Alta Pro
La macro se pratiquant souvent au ras du sol, il faut que le trépied permette de positionner facilement le boitier à hauteur du sujet, tout en assurant une parfaite stabilité. S’il existe des solutions adaptées, reconnaissons qu’elles manquent de souplesse et tant qu’à parler souplesse, il est souvent préférable d’apporter un sac poubelle permettant de s’allonger à hauteur du sujet, les coudes servant de trépied. La macro ne se pratique pas en costume trois pièces.
Augmenter la profondeur de champ en macro
La problématique de la profondeur de champ est d’autant plus importante que l’on approche du rapport 1:1. Nous avons vu que beaucoup fermer le diaphragme suffit rarement à faire entrer la totalité du sujet dans la zone nette de la profondeur de champ.
La solution consiste à prendre plusieurs photos, en faisant varier la mise au point sur tout l’objet. Il faut ensuite utiliser un logiciel adapté (Photoshop, Affinity photo, Helicon Focus, Zerenne Stacker…) pour fusionner les différentes prises de vues en ne conservant que la partie nette de chacune.
Plus il y a de photos, meilleur sera le résultat. Exprimées de cette manière, les choses paraissent simples. Encore faut-il que la variation de la mise au point soit suffisamment régulière pour ne pas laisser de zones floues intermédiaires. Ajoutons à cela que les logiciels restent imparfaits : il faut bien souvent corriger le travail à la main pour obtenir un résultat convaincant.
Prise de vue avec décalage de la mise au point (Nikon Z 6)
Cette option d’empilement/fusion des différents plans de netteté porte le doux nom de « focus stacking ». Regardez la notice de votre boitier. Ils sont de plus en plus nombreux à proposer une telle fonction. Elle automatise le décalage de la mise au point pour un nombre de prises de vue donné. L’appareil réalise même parfois lui-même la fusion des différentes images.
Le focus stacking est par définition adapté aux sujets fixes. On peut toutefois s’y amuser sur des sujets mobiles, en déclenchant en rafale tout en avançant très légèrement l’appareil. Il faudra ensuite aligner les photos avant de les fusionner.
L’exemple ci-dessous est réalisé sur la base d’une séquence de cinq prises de vue avec un boitier plein format. Si le résultat reste imparfait, on constate déjà le gain par rapport à une seule photo prise avec les mêmes réglages. Tout est ensuite histoire d’entrainement.
1 prise 5 prises
(f/8 à 1/500 s – Iso 1250 – 105 mm + bagues)
Faire une photo macro : en conclusion
Nous sommes maintenant arrivés au terme de notre voyage initiatique dans le monde complexe mais passionnant de la photo rapprochée. Petit à petit, vous vous surprendrez à vouloir reconnaître la fleur ou l’insecte photographiés. Ce sera le signe que plus aucun retour en arrière n’est possible.
Bonnes photos !
Cet article vous a aidé ?
Recevez ma boîte à outils photo pour progresser en photo même si vous n'avez que 5 minutes par jour.
Lancez la discussion sur "Comment faire une photo macro réussie, le guide pratique – 4/4"