La microphotographie est une technique qui consiste à prendre des photos de petits objets, ici des minéraux, à l’aide d’un appareil photo numérique couplé à un système optique dédié, la plupart du temps un microscope ou une loupe binoculaire. S’il est possible d’utiliser pour cela des systèmes de prises de vue intégrés aux microscopes et relativement onéreux, ce n’est pas nécessairement à la portée de toutes les bourses. Technique proche de la technique macrophotographique, la microphotographie est un domaine où expérimentation et bricolage vont de pair. Un de nos lecteurs, spécialiste de ce genre photographique, nous livre ses petits secrets pour vous en sortir à moindres frais.
par Pascal Chollet pour Nikon Passion
Introduction
Je collectionne les microminéraux depuis l’adolescence. L’un des principaux problèmes posé par ce type de collection est la difficulté de partage avec d’autres personnes. Ils ne peuvent être admirés qu’au travers d’une loupe binoculaire, ce qui est un facteur limitant. Accessoirement, j’ai toujours peur d’une maladresse lorsque je fais admirer à des néophytes des espèces très fragiles et rares (un doigt posé sur les cristaux, et adieu la perle rare). J’ai donc décidé de franchir le pas et de photographier mes meilleures pièces.
Matériel de prise de vue
Il est communément admis que les bonnes microphotographies ne se font pas au travers de loupes binoculaires (ce n’est pas vrai avec le matériel très haut de gamme), mais avec du matériel photographique spécifique. Restait à trouver le-dit matériel (j’ai débuté il y a longtemps, un temps ou Internet balbutiait encore, et ou eBay n’existait pas).
J’ai fait mes premiers pas avec un Rolleiflex SL-35 et des bagues allonge (nostalgie…). Un matos superbe pour la photo commune, mais trop limité quant à ses possibilités microphotographiques. Et puis il me fallait un soufflet. Les soufflets Rollei sont très rares, et les soufflets compatibles (Novoflex) hors de prix et ridiculement courts.
En fouinant un peu, j’ai dégoté un soufflet Nikon PB-4. J’ai donc décidé d’investir dans du matériel Nikon. Choix judicieux grâce à la compatibilité des matériels de générations différentes (je ne vais pas m’étendre, je prêche des convertis, mais j’ai remarqué que des adeptes d’autres marques, canonistes notamment, adaptaient leurs matériels pour les utiliser avec des soufflets Nikon). J’ai donc acheté (d’occasion) un boitier Nikon F3. J’ai également acheté le verre de visée type E « quivabien ». Plus tard j’ai eu la chance de trouver un viseur DW-4.
Restait – problème le plus épineux – à trouver les bons objectifs. Je travaillais avec un Micro-Nikkor 55mm f/2,8. Monté en position inversée sur le soufflet, je pouvais approcher un grossissement de 5x. Pas mal, mais je voulais aller beaucoup plus loin !
Pour ce faire, il existe deux solutions : accroître le tirage ou diminuer la focale. Pas évident de rabouter plusieurs soufflets, donc je suis parti en quête d’objectifs de courte focale. J’ai testé plein de trucs sans réel succès : des objectifs grand angle, des objectifs de caméra en position inversée, etc. Le rendu n’était pas à la hauteur de mes attentes. Il me fallait donc des objectifs spéciaux, conçus et fabriqués pour les forts grossissements.
Pratiquement tous les fabricants d’optique en ont fait, mais toutes les productions sont arrêtées depuis belle lurette. Les plus connus sont les Zeiss Luminar, les Leitz Photar et les Nikon Macro-Nikkor qui sont probablement les meilleurs de tous, et en tout cas les plus chers sur le marché de l’occasion. Attention à ne pas les confondre avec les Micro-Nikkor bien connus.
Il existe plein d’autres objectifs (Canon auto-bellows, Olympus Micro-Zuiko, Minolta micro-bellows, etc.). Impossible de dresser ici une liste exhaustive. Ces optiques, notamment les courtes focales, sont construites sur la base des optiques de microscope. Elles en ont la taille et leur monture est un filetage RMS (Royal Mount Screw : 20,5mm). Par contre elles sont conçues pour être utilisées sans oculaire et sont munies d’un diaphragme pour la maîtrise de la profondeur de champ. J’ai donc fini par trouver un Canon auto-bellows 20mm (ce n’est pas la meilleure optique que j’ai trouvée : très sujette à la diffraction dès qu’on visse un peu le diaph, mais bon…).
J’ai bricolé une bague adaptatrice Nikon F ? RMS et c’est parti.
En microphotographie, on se retrouve confronté à divers problèmes.
Mesure de la lumière
Il ne faut jamais faire confiance à la cellule du boitier. Elle est généralement à l’ouest dans ces conditions. Je travaillais à l’époque avec du film diapo : je faisais plusieurs images en brackettant d’un diaph à chaque fois, et je notais tous mes réglages. Après le développement, je remettais tout en place et refaisais la photo en brackettant cette fois d’1/3 de diaph.
J’étais content quand au final j’avais 3 ou 4 bonnes photos sur un film de 36 vues. Un rendement faible mais le fait de tout noter a été très formateur d’autant plus que je travaillais au flash).
Aujourd’hui avec le numérique il est bien plus facile de trouver directement la bonne exposition. Je me suis également affranchi des mauvaises surprises dues aux reflets imprévus en travaillant avec une source lumière froide (source halogène + filtre 80B, reprise par des fibres optiques).
Vibrations
Tout le système de prise de vue doit être excessivement rigide. Et même ainsi aux forts grossissements on observe des vibrations dues au simple aller-retour du miroir.
Profondeur de champ
En microphotographie la profondeur de champ est toujours très faible. Et il est difficile de diaphragmer car d’une part on réduit l’ouverture numérique de l’objectif, et donc son pouvoir séparateur (son piqué) et d’autre part la diffraction va vite apparaître et finir de démolir la netteté de l’image. Difficile compromis donc.
C’est encore pire en photographie numérique où – semble t-il – la structure en nid d’abeille des capteurs est encore plus sensible à la diffraction qu’avec les films argentiques. Il existe néanmoins une parade en numérique (l’arme absolue, devrais-je dire), et j’y reviendrai plus tard.
J’ai par la suite complété mon matériel : achat d’un boîtier numérique Nikon D1x, revente de l’objectif Canon 20mm. Ayant trouvé des Zeiss Luminar 25 et 16mm – merci ebay car c’était totalement introuvable il y a une quinzaine d’années, aujourd’hui ça se dégote facilement pour 250€, voire moins. J’ai aussi investi (l’occasion faisant le larron) dans un soufflet Nikon PB-6 et son extension Nikon PB-6E.
Voici donc à quoi ressemblait le matériel de prise de vue il y a 3 ou 4 ans :
Le statif est un statif Nikon vintage. Le soufflet Nikon PB-4 est fixé dessus, le Zeiss Luminar 25mm monté. Le Zeiss Luminar 16mm est exposé sur la table élévatrice de labo (pour faciliter la mise au point). Un vernier X-Y de microscope est là pour faciliter le déplacement fin de l’échantillon à photographier, et donc le cadrage. Le boîtier Nikon F3 avec son DW-4 est monté sur le soufflet (le D1x est … dans mes mains, bien sur!).
Sur le plateau du statif, on aperçoit un soufflet PB-6 avec le Micro-Nikkor 55mm en position inversée. On peut également voir les 2 fibres optiques pointer vers le plateau élévateur. Sur la colonne, un bras articulé supplémentaire vient se fixer sous la semelle du D1x pour un supplément de rigidité. Les Zeiss Luminar 40 et 63mm sont venus compléter la série. J’utilise aussi de courts téléobjectifs (85mm, 105mm et 120mm) pour les faibles grossissements.
Maîtrise de la profondeur de champ
En numérique la profondeur de champ exploitable est encore plus réduite qu’en argentique, du fait de la plus grande sensibilité des capteurs à la diffraction. Heureusement, il y a une parade : il s’agit de prendre non plus une photo, mais une pile de photos, en décalant légèrement la mise au point à chaque fois ! Ensuite, on traite cette pile d’image avec un logiciel de stacking. Ce logiciel va trouver les zones nettes dans chaque image de la pile et les utiliser pour recréer une image finale avec une profondeur de champ impensable auparavant.
Des logiciels capables de faire ça, à ma connaissance il en existe trois : Helicon Focus, Zerene Stacker (tous deux payants) et Combine Z (gratuit, et très complet). Chacun a ses propres fonctionnalités, ses avantages et ses défauts. Personnellement j’utilise Combine ZP, c’est celui qui sort les images les plus propres à mon goût, même s’il lui manque les possibilités de retouche à postériori de Zerene Stacker.
Pour utiliser ces logiciels, il y a un point essentiel à maîtriser: pouvoir, entre chaque photo, décaler la mise au point de manière précise et contrôlée. Pour cela, j’ai déniché chez un brocanteur un vieux microscope en piteux état. Je l’ai démonté pour n’en garder que la base : elle permet les mouvements X et Y qui facilitent le cadrage, mais surtout il y a en dessous un mouvement vertical micrométrique : la circonférence de la vis est sérigraphiée en 100 graduations et chaque graduation permet de décaler la mise au point de 1,5 micron ! La vis peut faire 17 tours, ce qui me donne une course verticale totale de 2,5mm (c’est parfois trop peu – je cherche une base qui permet plus de débattement).
J’ai donc remplacé mon plateau élévateur par cette base de microscope. J’ai également récupéré le revolver porte objectif que j’ai monté sur une bague Nikon. Les 4 Luminars sont montés à demeure sur le soufflet. Je fais le cadrage à faible grossissement, et une fois le sujet centré, je passe d’une pichenette à un grossissement beaucoup plus fort, sans perdre un temps fou à trouver mon sujet.
Quelques photos du système et des dernières améliorations pour illustrer le propos :
La base de microscope avec la vis de réglage du mouvement micrométrique
Sur le plateau, la boule sert à orienter l’échantillon. Elle est remplie de plâtre, avec l'empreinte d’une boite 28 x 28mm standard dans laquelle sont rangés les spécimens. La boule est posée sur un anneau, ce qui permet de pivoter le specimen dans tous les sens.
Le revolver de microscope, monté sur une bague Nikon, avec les 4 Luminars à demeure
Le système avec le soufflet replié au minimum : PB-6 + PB-6E (+ revolver de microscope sur bague adaptatrice)
Le tirage minimum est très important. On comprend mieux l'emploi de petits téléobjectifs pour les faibles grossissements. Avec le 85mm monté sur les soufflets, je cadre au plus large un champ de 18 x 12mm.
Les soufflets sont fixés sur la colonne du statif via 2 solides pinces Manfrotto, pouvant supporter 15kg chacune. Un bon gage de rigidité.
Elimination des vibrations : le statif est maintenant solidement ancré au mur ; une cale en bois pour décoller la colonne du mur et avoir la place de passer les pinces Manfrotto, et une plaquette métallique avec 2 tire-fonds de 150mm pour un ancrage ultra ferme. Il y a la même chose à la base de la colonne, à raz du plateau.
Nota : oui, il y a beaucoup de poussière dans cette pièce, je ne fais pas que des photos, mais je recasse aussi les blocs de pierres ramenés de mes sorties terrain, à la recherche des microminéraux contenus dans les micro fissures et micro cavités. Et ça fait bien sûr de la poussière !
Et pour finir une vue d’ensemble du système avec les soufflets en extension maximale, et l’écran du poste de pilotage via l’ordi.
Une photo de ce qu’on peut obtenir avec ce système, après traitement de la pile d’images via le logiciel Combine ZP (cliquer sur l’image pour la voir en grand) :
Olivenite (Arseniate de cuivre) – Mine de Falgayrolles, Monteils, Aveyron
Champ de l’image 2,65 x 1,75 mm – objectif Zeiss Luminar 25mm, Nikon D5100
D’autres images sur ma galerie mindat : http://www.mindat.org/user-10947.html#2
Aujourd’hui, mon but est de me procurer un Macro-Nikkor 19mm. Les résultats obtenus avec le Zeiss Luminar 16mm étant un peu en retrait par rapport aux autres objectifs de la série. Et ayant pu tester un Macro-Nikkor 19mm, je peux dire que le piqué de cet objectif est assez exceptionnel !
Pascal Chollet – retrouvez-moi sur le forum Microphotographie Nikon Passion et regardez mes photos sur Mindat
Cet article vous a aidé ?
Recevez ma boîte à outils photo pour progresser en photo même si vous n'avez que 5 minutes par jour.
il exciste maintenant des statifs de microscope avec un déplacement vertical de + de 10mm, j’en utilise un , sur ce statif acheté d’occasion j’ai fixé une colonne d’agrandisseur qui supporte le soufflet de mon appareil photo, sur ce soufflet j’ai adapté le système supportant les objectifs du microscope X 4 pour un champ de 6mm par 3 mm et X10 pour un champ de 2mm X 1mm certes il faut être un peu bricoleur
Bonjour, Possible d’avoir qq détails du montage du revolver sur le PB6?
Merci d’avance
Recently I was really, really low on money and debts were eating me from all sides! That was UNTIL I decided to make money.. on the internet! I went to surveymoneymaker dot net, and started filling in surveys for cash, and surely I’ve been far more able to pay my bills!! I’m so glad, I did this! – cc59
Toujours très intéressant et toujours cette approche simple et pédagogue des conseils.
J’aimerai bien faire ce type de photo mais je ne suis pas très bricoleur, par contre j’ai des amis lapidaires qui peuvent me fournir les minéraux.
Quelle serait aujourd’hui l’équipement matériel nécessaire? hors boitier bien sur…
Oh l’Aveyron c’est chez moi 🙂
Je crains que ce récit va décourager plus d’un qui voudrait
se lancer sur la micro. Mais si l’auteur est content de son échafaudage,
pourquoi pas ?
Super article ! Chapeau bas !
J’ai créé un tutoriel simple pour CombineZP ici : http://fr.wikibooks.org/wiki/Photographie/Nettet%C3%A9_des_images/Profondeur_de_champ/Consid%C3%A9rations_pratiques#Avec_CombineZP_: